La Demoiselle et le dragon : Millie Bobby Brown n'est pas Maléfique [critique]
Netflix

Ni Fiona de Shrek. Mais elle essaye, portant de bout en bout ce film d'aventure de fantasy et d'émancipation féminine.

Révélée très jeune grâce au succès de Stranger Things, Millie Bobby Brown a déjà acquis un certain statut à Hollywood. A tout juste 20 ans, elle produit elle-même ses projets, notamment chez Netflix. Après avoir été au cœur de la fabrication d'Enola Holmes, films d'enquête très divertissants sur la petite sœur de Sherlock, la revoilà en héroïne d'une aventure médiévale et fantastique intitulée La Demoiselle et le dragon.

Millie Bobby Brown devient la plus jeune productrice d’Hollywood

Oubliez les contes de fées classiques : ici, les princesses savent se défendre, merci pour elles. Embarquée malgré elle dans une malédiction obligeant le royaume des hommes à soumettre de pauvres jeunes filles comme sacrifices à une dragonne en quête de sang frais, elle ne va pas se laisser faire, révélant au grand jour la trahison qui est à l'origine de ce pacte morbide entre un roi et la créature flamboyante.

Juan Carlos Fresnadillo, connu notamment pour avoir mis en scène 28 Semaines plus tard, est un passionné de cinéma de genre. Embauché ici pour diriger la mésaventure de la Princesse Elodie, il n'est jamais aussi bon que dans les séquences horrifiques, quand la jeune héroïne se retrouve prise au piège dans une grotte, menacée par ce dragon visuellement bluffant. Une poignée de scènes claustro à souhait, où il suit Brown au plus près, effrayée puis assez forte pour reprendre son destin en mains.

A ce moment-là, l'équipe prend son temps, ne dévoilant le dragon que par petites touches -et via les crimes subis par ses précédentes victimes- avant de le montrer dans sa toute puissance seulement dans la seconde partie de l'intrigue. Dès lors, le film s'accélère et ne laissera plus à l'héroïne le temps de souffler.

La Demoiselle et le dragon : Millie Bobby Brown n'est pas Maléfique [critique]
Netflix

L'attente précédent l'introduction véritable du dragon vaut le coup, du moins visuellement : Netflix a mis les moyens pour fabriquer une créature parfaitement crédible, crachant du feu du fin fond de ses entrailles et se déplaçant avec fluidité, tel un félin ailé. La voix envoûtante de Shohreh Aghdashloo est tout aussi convaincante, menaçant la jeune fille tout au long de son périple avec une certaine cruauté.

Dommage que le soin pris à donner vie à cette dragonne n'ait pas été transposé au reste : les décors du royaume sont un peu trop "cheap" pour faire rêver, et surtout, le reste de l'intrigue est cousu de fil blanc. Son auteur, Dan Mazeau (La Colère des Titans, Fast X...) fait bien ressentir sa volonté d'offrir aux jeunes spectatrices un modèle féminin fort, une héroïne se battant pour sa vie et celle de sa sœur bien-aimée (Brooke Carter), mais le concept est si appuyé, et ses citations si évidentes, que le film en devient trop prévisible. Et trop creux, manquant malheureusement de scènes fortes entre l'héroïne et sa petite sœur pour que leur relation soit crédible – ce qui fonctionnait si bien dans La Reine des Neiges retombe ici systématiquement à plat.

Entre deux clins d'oeil très marqués à Ellen Ripley d'Alien ou à Game of Thrones, on pense évidemment à Shrek (2002) et à son héroïne se déjouant de tous les stéréotypes, Fiona. En arrivant plus de 20 ans plus tard, la Princesse Elodie souffre malheureusement de la comparaison.

Maléfique est un remake de La Reine des Neiges et l'un des meilleurs rôles d’Angelina Jolie

Son parcours de femme bafouée reprenant le pouvoir sur son destin évoque également Maléfique (2014), relecture moderne et féministe du conte de fées La Belle au Bois Dormant, qui avait su repenser l'histoire cliché de façon maligne, en remettant une femme trahie au cœur du concept. Sauf qu'ici, Millie Bobby Brown n'a pas la stature d'Angelina Jolie, et qu'elle n'est pas aidée par un script cherchant tellement à la mettre au centre, qu'il ne laisse aucune place aux personnages secondaires, tous éclipsés trop rapidement. C'est d'autant plus cruel quand ils sont incarnés par des comédiennes de talent telles qu'Angela Bassett ou Robin Wright, qui n'ont jamais l'occasion de briller pleinement. Même quand elles se font face, un comble.

Ne laissant à sa princesse aucun répit permettant de faire passer l'émotion, l'histoire de Damsel reste à la surface, ne creusant jamais vraiment ses idées : la "marâtre" devenue une figure maternelle positive, le matriarcat pouvant être aussi néfaste que le patriarcat, le prince étant lui aussi une victime collatérale de cette malédiction... Tout est survolé. Par les ailes d'une dragonne impressionnante, certes, mais ce n'est pas assez pour nous embarquer.