Après X et Pearl, Ti West boucle la trilogie d’horreur nouvelle génération. Avec plein de clins d'oeil à Psychose ou Halloween.
Comme dans les précédents opus de sa saga angoissante, le réalisateur Ti West revient constamment aux origines de l’horreur. Dans X, il évoquait les premiers liens entre ce genre et la pornographie, ainsi que des classiques comme Massacre à la tronçonneuse (1974). Dans Pearl, il parodie Mary Poppins (1964) et le Magicien d’Oz (1939) et leur confie une touche d’hémoglobine.
Pour MaXXXine, le dernier opus, Ti West pose l’intrigue dans les années 80 et s’attaque aux slashers alors que la "final girl", la dernière suivante des massacres de 1979, Maxine (Mia Goth) est en passe de devenir une vedette dans un Hollywood brillant et sanglant. Retour sur cinq références à l’horreur réelle et cinématographiques qui se sont glissées dans les premières images.
Le "Night Stalker", L’Amérique des serial killers
S'il y a bien un pays où les criminels sont aussi populaires que les stars de cinéma, ce sont les États-Unis. L’horreur n’est pas que dans les films – elle est aussi dans la réalité. Toile de fond de MaXXXine, une enquête policière autour d’un tueur énigmatique qui hante les rues nocturnes de Los Angeles et terrorise la population. Au bout de quarante secondes de trailer, lorsque le personnage joué par Halsey craint de rentrer la nuit seule, l’intrigue se dévoile. "The Night Stalker" comme les médias le nomment dans les archives télévisées frappe régulièrement et laisse des pentagrammes inversés – symboles liés au satanisme – sur ses victimes. Des femmes que Maxine semblait d’ailleurs connaître… Mais qui est ce "The Night Stalker" - traduit en français par "le traqueur de la nuit" ? Attention, spoiler !
Le réalisateur n’a pas été puiser dans son imagination pour mettre au monde un criminel pareil. Il a simplement regardé les infos dans les années 80. Peut-être moins connu que ses aînés Charles Manson et Ted Bundy, Richard Ramirez ne demeure pas moins l'un des tueurs en série les plus célèbres.
Avec un père instable, des troubles psychologiques, un cousin qui lui montre fièrement des photos prises des viols et des mutilations qu’il a commis durant la guerre du Vietnam et qui tue devant ses yeux son épouse, et un beau-frère voyeur qui l’entraîne dans ses expéditions nocturnes, Ramirez était malheureusement pour lui mal parti dans la vie. Entre 1984 et 1985, âgé de vingt-cinq ans, il sème la terreur dans la ville des Anges et San Francisco. Son mode opératoire ? S’introduire chez les habitants la nuit, les tuer de cruelle manière et les dérober.
A son procès, il est reconnu coupable de treize meurtres et onze viols et arbore fièrement sur sa main un pentagramme inversé, se vantant d’être satanique.
Ti West n’est pas le premier à introduire ce monstre réel dans une œuvre de fiction. Avant lui, Ryan Murphy, le créateur de la série anthologique d’horreur American Horror Story a fait référence à Ramirez à la fois dans la saison 5 et la saison 9. C’est dans cette dernière saison, American Horror Story 1984 qu’il devient un personnage principal. Interprété par Zach Villa, Ramirez est un fan de Billy Idol ! Pourquoi pas… Il rencontre Montana Duke (Billie Lourd) et les deux tombent amoureux lorsque Montana découvre le corps démembré d’un homme qui se plaignait de ses choix musicaux durant son cours d’aérobique. Etrange façon de déclarer son amour… Montana demande alors à Ramirez de tuer Brooke Thompson (Emma Roberts) qu’elle pense coupable du meurtre de son frère.
Comme à chaque évocation de tueurs en série, la série a reçu des plaintes venant des proches des victimes accusant les créateurs d’avoir rendu glamour Ramirez et ses meurtres. Un des pièges dans lesquels il ne faut jamais tomber. C’est pourquoi, en 2021, Netflix lui accorde un documentaire en quatre épisodes dans lesquels ses crimes sont dénoncés sans détour : Le Traqueur de la Nuit : Chasse à l’homme en Californie.
Avec MaXXXine se déroulant en 1985, on peut se demander si le film ne va pas introduire la capture du tueur et donc la découverte de son identité. On s’attend ainsi à comprendre quel lien uni Ramirez à Maxine.
La Scream Queen originelle
Maxine n’a qu’un rêve – devenir la plus grande star que la terre n’ait jamais connue. Mais est-ce vraiment compatible avec le fait qu’elle ait commencé sa carrière dans les films pour adulte et l’horreur ? Dans la bande-annonce, Maxine demande à un employé dans un vidéo club de lui citer toutes les célébrités ayant commencé par des films d’horreur. Cette liste se termine bien évidemment par son propre nom. Mais qui la commence ?
Bien avant Jenna Ortega (Scream V, Scream VI, X), Emma Roberts (American Horror Story) et Mia Goth, il y avait la "scream queen" originelle, j’ai nommé "Jaime fucking Lee Curtis."
Si elle joue dans Fog et Le Bal de l’horreur, c’est véritablement en 1978 que tout commence. Une musique angoissante, un tueur reconnaissable par son masque de hockey et son bleu de travail, Halloween, la nuit des masques de John Carpenter marque un tournant dans le genre du cinéma d’horreur en popularisant le slasher – un style auquel d’ailleurs emprunte la saga de Ti West. Culte, repris et parodié, il est aussi le premier terrain de jeu de Jaime Lee Curtis alors âgée de vingt ans. Elle interprète Laurie Strode, une baby-sitter qui par malheur fait la rencontre de Michael Myers, un tueur psychopathe échappé de l’hôpital psychiatrique et revient à Haddonfield où il sème la terreur.
Douze films plus tard, dont huit où l’actrice reprend son rôle, Laurie Strode est une figure emblématique des scream queens – ces « reines du hurlement ». Contrairement aux premières héroïnes victimes d’horreur, Jaime Lee Curtis réinvente avec son personnage l’archétype pour en faire une "final girl" qui prend les armes pour se défendre et lutter contre l’homme qui veut sa mort. Depuis Curtis, les screams queens sont des femmes fortes et puissantes.
A ce sujet, l’actrice féministe et engagée déclarait au média 20 minutes en 2018 :
"A l’heure de #MeToo, les femmes se font enfin entendre et Laurie est emblématique de leur lutte. Je ne veux pas que mon personnage puisse être considéré comme une victime."
Combattante jusqu’au bout dans Halloween Ends (2022), le personnage principal affronte ses démons et fait face une bonne fois pour toute à Michael Myers qui hante ses pensées. Elle reprend le dessus sur un homme qui depuis ce soir de 1978, lui gâche la vie.
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Suivant sur la liste des scream queens, ou devrait-on dire les scream kings : le roi de la piste de danse, John Travolta.
Avant de se déhancher sur les Bee Gees, Danny Zuco a fait ses premiers pas dans un autre genre que celui des romances. En 1975, il joue Danny (tiens tiens), un membre d’une secte sataniste dans le kitsch La Pluie du Diable de Robert Fuest (Wuthering Heights). L’histoire est celle de la famille Preston. Détenant un vieux manuscrit maléfique, les parents de la famille sont enlevés par le chef d’un culte, et c’est donc aux enfants de résoudre le mystère autour de leur disparation. Ils devront affronter l’enfer…
La légende raconte que c’est durant le tournage de ce film qu’il découvre et se convertit à la scientologie. Méconnaissable sous son étrange masque, il obtient un an plus tard un rôle plus important dans le cultissime Carrie au bal du diable de Brian de Palma. C’est lui, Billy Nolan, le petit ami de Chris Hargensen (Nancy Allen), qui renverse du sang de cochon sur Carrie (Sissy Spacek) lorsque celle-ci grimpe sur l’estrade après avoir gagné le concours truqué de la reine de la soirée.
Depuis, il n’a plus touché de près ou de loin à l’horreur ! Mais ça ne l’empêche pas de retrouver sa partenaire de jeu et Brian de Palma dans Blow Out quelques années plus tard.
Encore une enfant cruelle…
Elle n’avait que onze ans et pourtant elle faisait déjà ses débuts dans l’horreur. Dernier nom dans la liste du vendeur de cassette : Brooke Shields. Surprenant pour l’actrice dont la carrière explose au début des années 80 grâce au film Le Lagon bleu. Pourtant, quelques années avant d’être quasiment nue sur une plage à la suite d’un naufrage, c’est dans une étrange famille qu’elle avait atterri. Pour son tout premier rôle, l’actrice au visage angélique jouait Karen Spages dans Communion – aussi appelé Alice Sweet Alice ou encore Holy Terror.
Karen est retrouvée morte dans une église alors qu’elle recevait sa première communion. Le seul suspect est sa grande sœur, Alice, jouée par Paula Sheppard. Alice est une adolescente mystérieuse, certains diraient même bizarre. Il semblerait qu’elle soit jalouse de l’attention portée par sa mère sur Karen et qu’en échange elle lui ferait vivre un enfer. Mais est-ce qu’une jeune fille de 12 ans aurait pu être capable d’étrangler de sang-froid sa propre sœur ? Alors que le nombre de victimes augmente, la culpabilité d’Alice grandit. Mais son père, endeuillé, tente de prouver son innocence.
Considéré comme un classique des films d’horreur, Communion tire son succès des thématiques abordées : la famille nucléaire fractionnée et l’ambiance mystique autour de la religion. Aussi, le personnage d’Alice est ambigu, tantôt coupable, tantôt innocent, le spectateur doute constamment et en vient à se demander – et si cette enfant n’était pas (comme dans nombreux films d’horreurs) possédée par une entité ? Le diable n’est jamais bien loin…
Le Maître du suspense
Attraction phare de la tournée des studios Universal, la propriété des Bates. C’est là que Maxine se tient et distingue dans la sombre maison tirée de Psychose une silhouette féminine à la fenêtre. Norman ?
S’il y a bien une référence évidente et à ne surtout pas manquer dans cette bande-annonce c’est bien celle reliée au chef d’œuvre d’Alfred Hitchock.
Si Michael Myers a pour arme de prédilection un couteau de cuisine et que l’école dans laquelle étudie Carrie s’appelle Bates High School, c’est en référence à un seul et même film. Lorsque le maître du suspense réalise Psychose en 1960, il est déjà reconnu comme un cinéaste émérite. Mais c’est avec cette histoire de tueur psychopathe névrosé et de meurtre sous la douche qu’Hitchcock donne des sueurs froides.
Destiné à une nouvelle audience à l’aube du Nouvel Hollywood, Psychose révolutionne la terreur en popularisant les slashers et les scream queens. C’est d’ailleurs la mère de Jaime Lee Curtis, Janet Leigh, qui se fait sauvagement assassiner dans la salle de bain du Bates Motel par son propriétaire, Norman, joué par Anthony Perkins.
Avec ses 78 plans et cette silhouette nue, la scène de la douche a suscité la controverse du bureau des censures. La nudité choque bien plus que le crime. Mais à force de négociation, Hitchcock a pu la garder intacte pour le plus grand bonheur du septième art.
Outre sa redéfinition de la tension, Psychose est, aussi étrange que cela puisse paraître, le premier film dans lequel on voit un personnage tirer la chasse d’eau.
Sommaire de Première Classics n°27 : Psychose, Tchao Pantin, Micheline Presle, King Kong, Gene Hackman...MaXXXine n’échappe pas aussi à la censure. Aux États-Unis, le film a été classé R pour sa violence, la nudité à l’écran et son langage grossier. Le film sortira outre Atlantique le 5 juillet 2024. En France, il faudra patienter jusqu'au 28 août pour le découvrir au cinéma.
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