-
Straub poursuit son cinéma de résistance, ôtant aux textes de Corneille, Brecht et Dante le vernis qui en neutralisait la force explosive et en les inscrivant dans l’ Ici et le Maintenant.
-
"O Somma Luce" sont les premiers mots du dernier chant du Paradis de Dante. Le poème est lu par le comédien Giorgio Passerone, au creux d'une petite clairière de la campagne toscane. Les plans de l'acteur lisant sont entrecoupés par un panoramique balayant une colline lointaine ou un bosquet caressé par le vent. La beauté élégiaque du texte est indissoluble d'une immersion dans le temps de l'enregistrement au coeur d'une nature à la luminosité changeante.
-
Straub continue à tourner sans Danièle Huillet (disparue en 2006), semant des courts métrages comme des cailloux. Europa 2005 et Joachim Gatti sont des manifestes anti-flics : le premier, sans paroles mais avec des chiens qui aboient, est un panoramique, répété cinq fois, sur le lieu du drame de Clichy-sous-Bois où deux ados sont morts électrocutés. Qui aurait pu croire que l'intransigeant Straub rejoindrait les groupes de rap les plus radicaux ? Les deux autres courts métrages sont dans la pure veine « straubienne ». Corneille-Brecht est une lecture d'extraits d'Horace et Othon, de Corneille, et d'une pièce radiophonique de Brecht. Cornelia Geiser, statufiée, assise dans un appartement ou debout sur un balcon, dit le texte. Dans O somma luce, c'est Giorgio Passerone qui scande Dante dans un pré. On frémit au passage d'un nuage, tandis que les mots sont cognés comme de la pierre. Du cinéma pur et dur ? Presque une caricature.