C'est somptueux. C'est intrigant. Mais ça laisse quand même la sensation que Julian Fellowes s'est contenté de dupliquer sa fastueuse série anglaise dans le New York de 1880...
Entre modernité et classicisme, Downton Abbey a révolutionné le « period drama » et fait entrer Julian Fellowes dans l'histoire de la télévision. Son arrivée sur HBO pour The Gilded Age (qui commencera en France mardi prochain sur OCS) avait de quoi faire rêver. Elle laisse songeur.
Cette fois, le scénariste traverse l'Atlantique et nous emmène dans une métropole en ébullition. Au sortir de la Guerre de Sécession, l'Amérique connaît une période de prospérité spectaculaire. Au centre de tout, la ville de New York est en plein bouleversement, entre traditions du passé et souffle de la modernité. De riches « self-made men » de l'âge des machines font étalage de leurs richesses dans l'Upper East Side, au grand dam de la haute société locale, une vieille garde qui exerce le pouvoir à Manhattan depuis que la ville s'appelle New Amsterdam. Fille de la campagne, orpheline après la mort de son père, Marian s'invite dans ce panier de crabes en s'installant chez sa tante, la veuve mondaine Agnes van Rhijn. Incarnation de cette xénophobie assumée, Agnes assiste, effondrée, à la construction d'un nouveau "palais" en face de chez elle. Le magnat des chemins de fer, George Russell, millionnaire parti de rien, sera désormais son voisin, au croisement de la Cinquième Avenue et de la 61e Rue. Son ambitieuse épouse Bertha espère bien faire son trou dans le gratin. Mais elle ne sait pas encore à quel point il est sec...
Il aura fallu presque six ans à Julian Fellowes pour faire aboutir son épopée new-yorkaise. Et on comprend dès les premières minutes que la production chez HBO a pris un soin tout particulier à reconstituer l'époque. Le New York de la fin du XIXe siècle y est peint avec une minutie éblouissante. De décors grandioses en costumes à couper le souffle, The Gilded Age est une série aux dorures incandescentes. Un vernis tellement clinquant qu'il en arriverait presque à camoufler la futilité de ce qui se trouve au-dessous. Car il faut bien l'avouer, après trois ou quatre heures à se promener dans ce joli quartier huppé de la Big Apple, la vacuité du contenu est plutôt déroutante. Fellowes divertit sans éclairer et peine à retranscrire les luttes de pouvoir et les joutes sociales de l'époque, à la fois surdimensionnées et insaisissables pour le spectateur du XXIe Siècle. Ces enjeux paraissent tellement vains qu'il en devient invraisemblable de s'enflammer pour ces personnages peu identifiables. Une galerie infinie et oppressante, qui nous est présentée au cours d'un premier épisode XXL : bien malin celui qui pourra dire - après 1h20 - qui est le majordome de qui...
Certes, The Gilded Age ne manque pas d'ambition, mais n'arrive pas tout à fait à la mettre au service de la narration. Pas très inspirée, elle se contente bien souvent de recycler les archétypes de Downton Abbey. On a même cette drôle de sensation que Julian Fellowes a tout simplement transposé sa famille Crawley de l'autre côté de l'Atlantique. On retrouve les mêmes ressorts, les mêmes intrigues, les mêmes romances, mais dans le Manhattan de 1880. Tandis que Bridgerton ou The Great ont su apporter un souffle nouveau, ces dernières années, au « period drama », The Gilded Age est trop ancré dans ses certitudes.
Gonflant, mais pas rédhibitoire ! Car l'esthétique de la série permet, à elle seule, de sauver les meubles. Et le casting est tellement puissant qu'il réussira bien - avant la fin de la saison 1 - à nous rattraper par le Haut-de-forme. L'envoûtante Carrie Coon, la féroce Christine Baranski, la touchante Cynthia Nixon, la rafraîchissante Taissa Farmiga et la surprenante Louisa Jacobson (la petite dernière de Meryl Streep) forment une armée d'héroïnes au potentiel infini, que Julian Fellowes réussira sans aucun doute à faire briller. Et c'est à cet instant qu'on se souvient qu'il avait fallu un certain temps à Downton Abbey pour prendre toute sa place.
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