Le film d’Ali Abbasi est actuellement au cinéma.
Le 29 mai dernier, Zar Amir Ebrahimi remporte le Prix d’interprétation féminine du 75e Festival de Cannes sous l’ovation du Grand Théâtre Lumière. Un moment très fort pour l’actrice des Nuits de Mashhad, qui est restée de longues minutes sur la scène, s’exprimant d’abord en farsi, sa langue maternelle, pour parler avec émotion de la situation des femmes en Iran.
"J'ai eu un parcours très long avant d'arriver ici sur cette scène", explique-t-elle, après être passé à l’anglais. "Un parcours marqué par des humiliations. Mais le cinéma était là. Ça a pratiquement sauvé ma vie. Les Nuits de Mashhad est rempli de haine, de mains, de seins, de sexe. Tout ce qu’on ne peut pas montrer en Iran". Et Zar Amir Ebrahimi sait de quoi elle parle.
L’actrice de 41 ans revient de loin. Dans son discours, elle faisait référence à son histoire personnelle. Après être devenue une star locale avec la série Nargess, elle s’est retrouvée au coeur d’un scandale en 2008 quand une sex-tape la mettant en scène avec un ancien petit ami se retrouve sur internet. Elle risque la prison et les coups de fouet, alors elle doit mentir pour se protéger.
"Comme je l'ai dit dans mon discours à Cannes, le cinéma m'a sauvée", a-t-elle confié à Madame Figaro. "Je le pense sincèrement. J'avais l'impression de jouer un rôle, de me dédoubler. Survivre, c'était mentir : à mes interrogateurs, dont l'un me harcelait en permanence, au juge, à qui je niais avoir fait cette vidéo. Pendant ce temps, je menais ma propre enquête : je voulais savoir qui avait fait fuiter ces images."
Ali Abbasi - Les Nuits de Mashhad : "Je suis inquiet pour mes acteurs qui vivent encore en Iran"Sa carrière en Iran est terminée, et elle se réfugie en France en 2008, où elle se reconstruit et renoue avec le métier d’actrice. Et ses choix ne sont pas anodins. En 2017, elle joue dans Téhéran Tabou, qui traite directement de a question de la vie sexuelle contrariée par les interdits religieux en vigueur en Iran. Et que dire des Nuits de Mashhad, tourné en Jordanie, où elle incarne une journaliste enquêtant sur un serial killer qui s’en prend aux prostituées. Un filme qui attaque frontalement le machisme de la société iranienne.
"Les Nuits de Mashhad présente une image déformée de la société iranienne et insulte ouvertement les croyances transcendantes des chiites", a d’ailleurs réagi l'Organisation cinématographique de l'Iran, accusant le film d’Ali Abbasi de suivre "le même chemin emprunté par Salman Rushdie dans les Versets sataniques".
Les Nuits de Mashhad : un film sous haute tension [critique]
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