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Un corps raide, posé sur un catafalque, en tenue d’apparat. La violence et la peur contenues derrière les traits figés de ce beau visage sont atténuées par le décorum funéraire. Celui-ci retire jusqu’à l’identité du défunt. L’enjeu du cinéaste Rachid Hami (La Mélodie) est de redonner un nom à ce jeune homme aux paupières closes, de raconter son histoire. Une histoire, « vraie », tragique, singulière. Aïssa, 23 ans, jeune français d’origine algérienne (Shaïn Boumedine, révélé par Mektoub My Love), passé par Science-Po, meurt noyé lors d’une cérémonie d’intégration à la prestigieuse école militaire Saint-Cyr. Le film part de là. Aïssa pour les besoins de la fiction, s’appelait en réalité Jallal. C’était le frère de Rachid Hami. Pour la France, n’est pas une film-enquête visant à dénoncer une institution militaire viciée de l’intérieur, mais de réfléchir à la notion même d’engagement et – osons le mot – d’égalité. Jallal aura-t-il le droit à des honneurs dans la cour des Invalides ou juste à une cérémonie en catimini dans un cimetière de Bobigny ? Ismaël, son grand-frère (Karim Leklou) décide de se battre pour sauver l’honneur de son cadet dont il est le parfait contretype : aussi rugueux et sauvage qu’Aïssa était doux. Leklou porte sur lui et en lui, toute la tension du film. Regard sombre, corps solide à l’allure faussement incertaine, il avance comme un animal indompté. Pour la France, c’est un drame fraternel, où pour enfin se retrouver il faut être un peu « ailleurs » (les magnifiques séquences à Tapeï), pris dans les rets de puissants flashbacks.