La maternité idéalisée, heureuse et épanouie, s’impose comme une norme. Pourtant, beaucoup de jeunes mamans sont frappées de dépression. Melissa Theuriau revient sur ce "mal de mère" encore tabou dans Zone interdite ce soir à 20h50.
En tant que femme et mère de deux enfants, c’est un sujet qui vous tenait à cœur?Avant d’être maman, cela faisait partie de mes inquiétudes : allais-je être une bonne mère, capable de donner de l’amour à mon bébé ? Toutes les mères sont victimes de cette croyance collective qui claironne que la maternité est source de bonheur et d’équilibre. Or, pour des milliers d’entre elles, elle peut se transformer en calvaire. Je suis fière de m’attaquer à ce fléau dans Zone Interdite, dont l’intitulé prend ici tout son sens. Grâce au film de Claire Perdrix et Virginie Letendre, à travers les portraits de quatre femmes, nous mettons en lumière une zone d’ombre.Malgré une grossesse et un accouchement idylliques, Vanessa sombre dans la dépression à la naissance de sa fille. C’est l’exemple type de la femme qui « sur-idéalise » la maternité. Une fois l’enfant né, elle ne se sent pas à la hauteur et se montre incapable d’assumer tous ces bouleversements. Elles sont des millions comme Vanessa à s’enfoncer dans la dépression et à vivre cet état comme honteux. Comme on leur serine qu’avoir un enfant est la plus belle chose du monde, alors elles se taisent. Les conséquences peuvent se révéler très graves.Et tourner au drame, comme pour Laetitia qui, un jour de 2008, a craqué et jeté au sol son bébé de six semaines. Son petit Loïc est infirme à vie et elle en prison.Elle était pourtant une mère sans histoire, parfaite avec son fils aîné. Sans emploi, seule chez elle toute la journée, il a suffi d’un instant pour que son immense détresse prenne le dessus et que tout bascule.Quel regard portez-vous sur elle ?Je la plains ! Comment va-t-elle se reconstruire ? Malgré l’horreur de son geste, elle n’est sans doute pas une mauvaise mère. Tout comme Marilyn Lemak, emprisonnée à vie dans L’Illinois pour triple infanticide et qui s’exprime pour la première fois devant nos caméras. Mère modèle, d’un milieu aisé, elle était psychotique et n’avait jamais été soignée. Elle a été définitivement écartée de la société.L’entourage et l’échange ne sont-ils pas les garde-fous essentiels pour éviter de tels drames?Plus que tout ! Parler à ses proches, à un médecin, à un psychologue, est la seule chose qui permette d’inverser la tendance. Malheureusement, en France, il n’existe pas assez de structures. On ne compte qu’une douzaine d’unités « mères-enfants » susceptibles d’accueillir des mères en détresse et leurs bébés. Si on parvient à soigner la mère, on sauve aussi l’enfant.Ce film n’est-il pas une façon de dire à toutes les mères qu’elles ont le droit d’aller mal ?Absolument. Il faut « dé-moraliser » la maternité, accorder plus d’importance à ses aspects psychiques, laisser place au soutien, à l’écoute. Rappeler qu’aucune femme n’est à l’abri. Le mythe de la mère parfaite, forcément heureuse, est dévastateur.Maman de Léon, trois ans, et de Lila, cinq mois, avez-vous été confrontée à des moments de détresse?J’ai le privilège d’être très entourée et aidée. Il n’empêche que je passe, comme toute mère, par des phases de doute, de vertige, de désarroi et de culpabilité. J’ai connu deux belles grossesses, mais je n’ai jamais idéalisé ma maternité. En revanche, j’ai renoncé à être une mère parfaite. Une délivrance !Emmanuelle Touraine du magazine Télé 7 jours
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