Ad Astra, 2001, Gravity, Interstellar
Warner Bros / MGM / Twentieth Century Fox

Incohérences au niveau du son, des réactions des personnages ou des décors : la plupart des films sont loin de la réalité.

Gravity, Interstellar, Ad Astra Les films sur l’espace ont particulièrement la cote. Photographies léchées, scénarios palpitants, immersion dans un univers fantasmé : de nombreux réalisateurs se sont lancés dans l'exercice, mais pas toujours avec beaucoup d’objectivité. Dans une vidéo pour Vanity Fair, l’astronaute Chris Hadfield - le premier canadien à avoir exécuté une sortie extravéhiculaire et à avoir commandé la Station spatiale internationale - a accepté de commenter certaines scènes des films spatiaux les plus connus d’Hollywood. À commencer par Gravity, sorti en 2013. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le film d’Alfonso Cuarón en prend pour son grade, niveau incohérences. Une scène en particulier a retenu l’attention de l’astronaute. 

Au début du film, lorsque la navette spatiale est en orbite autour de la terre et que deux astronautes réparent le télescope spatial Hubble, ces derniers se font heurter par un débris de satellite. "Les images sont géniales, concède d’emblée Chris Hadfield. Mais ce qui se passe est si loin de la réalité que j’ai envie de détourner le regard. Les scénaristes violent les lois de la physique lorsque Sandra Bullock est amarrée au bout du bras télécommandé, pendant qu’il valdingue. Lorsqu’elle détache sa ceinture pour se libérer, boom, elle s’envole dans une toute autre direction, comme si il y avait une force qui pèse sur elle et pas sur le bras. Pourquoi a-t-elle une autre gravité que celle du bras télécommandé (où elle était accrochée) ?"

Gravity est un chef-d'oeuvre universel [critique]

 

Chris Hadfield dénonce également l’incohérence des personnages de Gravity, interprétés par Sandra Bullock et George Clooney, qui manquent cruellement de professionnalisme : "Peggy Whitson est l’astronaute la plus expérimentée de l’histoire des États-Unis. Elle est restée dans l’espace plus longtemps que n’importe quel américain. (…) Dans ce film, Sandra Bullock est astronaute depuis moins d’un an. Quand elle fait face à un problème elle panique et ne sait absolument pas quoi faire et Geogre Clooney se déplace comme une sorte de cow-boy de l’espace, il la drague, se déplace avec son jet pack comme il l’entend. On ne sort pas de la navette de façon récréative normalement. Ils sont si différents des véritables personnes qui explorent l’espace et qui dédient leur vie au métier d’astronaute."

L’astronaute enchaîne avec l’incroyable scène de la course poursuite sur la lune dans Ad Astra de James Gray. On y découvre Roy McBride, interprétée par Brad Pitt, arrivé sur la Lune et qui fait face à des pirates de l'espace lorsqu'il traverse avec d'autres astronautes une zone de guerre lunaire à bord de véhicules. Les deux camps s’affrontent, en allant jusqu’à se tirer dessus : "Les armes à feu fonctionnent bien sans air, elles n’ont pas besoin d’oxygène pour fonctionner, affirme Chris Hadfield. Mais pourquoi conduisent-ils des Rover lunaires Apollo sur la lune dans le futur ? Ces engins ont été construits à la hâte pendant le programme Apollo pour laisser les astronautes explorer un peu plus la lune. On ne construirait pas des Rover comme ça dans le futur ! C’est comme si vous regardiez des films dans le futur et que les véhiculent étaient des Ford T en pleine course. Les gens se diraient ‘Elles datent de 1920, ça n’a aucun sens’. Et puis d’où viennent tous ces bruits ? On entend le bruit des armes à feu, les véhiculent qui rebondissent, etc. Il n’y a pas d’air sur la lune, donc pas de bruit."

Ad Astra : un triomphe de SF audacieuse [critique]

 

Même problème du côté du scénario de First Man : Le Premier Homme sur la Lune, de Damien Chazelle. Dans la scène d’ouverture, le film centré sur Neil Armstrong (interprété par Ryan Gosling) montre l’astronaute qui parvient à stabiliser de justesse l’avion fusée hypersonique qu’il pilote. "Le problème de cette scène vient du son, commence Chris Hadfield. C’est comme s’il conduisait un pick up à travers un champs avec ce bruit strident qui t’indique à quel point il roule vite. C’est complètement impossible. On n’entend pas ça dans le cockpit. Il est dans un avion spatial avec le moteur à l’arrière. Les vibrations devaient être presque imperceptibles. Et puis, il passe son temps à traverser les nuages. Il est à 14 000 mètres d’altitude. Il n’y a pas de nuages." 

Curieusement, ce n’est pas cet écueil-là qui a le plus gêné l’astronaute : "Ce qui m’a le plus déçu à propos de First Man, c’est à quel point tout le monde y est triste. Tout le monde à l’intérieur de la navette est maussade, alors que les vols spatiaux sont joyeux, délirants, magiques. Tu voles, tu vois le monde entier. Ces gars se rendaient sur la lune ! Ils avaient beaucoup de responsabilité mais où est cette étincelle de joie ?"   


 

Entre trous noirs, paradoxes temporels et dimensions parallèles, Interstellar de Christopher Nolan a retourné le cerveau de nombreux spectateurs. Son film, très acclamé, a été nommé 5 fois aux Oscars et compte parmi les longs métrages préférés des fans du réalisateur. Dans une scène clé du film, Matthew McConaughey plonge dans un trou noir et se retrouve dans une dimension parallèle. Une scène à couper le souffle, hautement émotionnelle, mais elle aussi impossible : "Si tu es aspiré à l’intérieur d’un trou noir… Je veux dire, les gens ont peur du courant. Là c’est comme si il s’agissait d’un courant énorme, un courant-tyrannosaure. On ne peut même pas s’imaginer une seule seconde la portée des forces impliquées dans ce courant, confie Chris Hadfield. Tout serait déchiré en morceaux dans un trou noir. Ce n’est pas quelque chose dans lequel on peut simplement entrer, dans nos petites capsules spatiales. On ne connaît rien aujourd’hui qui pourrait résister à la force destructrice d’un trou noir."

2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick a été réalisé en 1968. C’est donc le film le plus ancien proposé dans la vidéo de Vanity Fair. C’est pourtant celui que l’astronaute canadien juge le plus fidèle à la réalité. "C’est peut-être le meilleur film spatial de l’Histoire, affirme-t-il dans un sourire. Quand je suis revenu de mon premier voyage spatial et que je me suis assis dans mon salon avec ma femme, je me rappelle lui avoir dit ‘C’était incroyable. La façon dont tu vois la Terre, la vitesse avec laquelle tu t’approches de la Terre, l’énorme courbe, c’est exactement comme ils l’avaient imaginé dans 2001. Le lent et gigantesque ballet des vaisseaux."