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Longtemps considéré comme le caprice du producteur George Lucas, Howard the Duck -qui fête ses 30 ans aujourd'hui- est surtout irrigué par la personnalité singulière de ses auteurs, Huyck et Katz, qui en ont payé le prix fort.

On s'est vraiment fait détruire au moment de la sortie. Mais, hé, c’est un film qui raconte les aventures d’un gentil canard extra-terrestre: vous ne vous attendiez pas tout de même pas à ce qu’il change le cours de votre vie, non?”. 30 ans après la sortie d’Howard the Duck (sorti le 1er août 1986 aux Etats-Unis, il y a 30 ans), Gloria Katz n’a toujours pas digéré l’accueil dont a été victime le film qu’elle venait alors de co-écrire avec son mari Willard Huyck-  qui se chargeait, lui, de la réalisation du bidule. Gloria a raison: leur film n’a effectivement pas changé la vie de grand monde, si ce n’est la sienne et celle de son époux. Grosses promesses du Hollywood 80’s, les deux sont alors passés du statut de jeunes scribouillards surdoués à celui de pestiférés ingérables avec lesquels il est strictement interdit de travailler.

Trois décennies plus tard, la sanction n’a toujours pas été levée. Amis intimes de George Lucas depuis la fac, le couple a pourtant écrit au moins deux scripts sensationnels qui auraient pu lui offrir une immunité éternelle dans la cité des Anges: celui d’American Graffiti et celui d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Sensible et carburant à un humour anar, l’écriture du binôme s’exprime pendant une dizaine d’années dans les commandes passées par Lucas comme dans des projets plus perso (la jolie bluette French Postcards, ou le mutilé Une Défense Canon). Elle s’impose surtout comme une griffe parfaitement identifiable et farouchement singulière. En leur proposant juste après le deuxième Indiana Jones de piloter son vieux projet d'adaptation ciné de la bédé Marvel Howard The Duck, Lucas va alors torpiller la carrière de ses deux vieux amis.

Conçu et produit comme un énorme blockbuster familial, mais écrit comme un grand délire bis, Howard se prendra une tôle sévère l'année où Top Gun et Crocodile Dundee règnent sur l'Amérique. Considéré depuis comme un navet, le film, qui est resté longtemps invisible, ressemble surtout à un manifeste dada hors de prix, un geste punk rempli de punchlines tordantes, de détails grivois et d’embardées absurdes ; le genre de bizarrerie sur-budgétée qu’on pourrait situer quelque part entre 1941 et Hudson Hawk. Depuis, on est sans nouvelles de Willard Huyck et Gloria Katz, probablement les deux seules personnes au monde à s’être fait piétiner leur carrière par un gentil canard extra terrestre.

PS : Cet article est initialement paru dans le numéro 459 de Première d'avril 2015. Revanche d'Howard : il était apparu dans la scène post-générique des Gardiens de la Galaxie de James Gunn pendant l'été 2014. Le film Howard the Duck est disponible dans une belle édition DVD et Blu-ray chez Elephant Films.