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Ca raconte quoi ? Un titre feutré pour un film élégiaque ? Michael Haneke n’a pas rangé son fouet pour réaliser une love story gériatrique. Amour est un film de fantôme, récit de l’agonie d’Emmanuelle Riva et de la lutte de Jean-Louis Trintignant pour protéger sa dignité, son amour, sa liberté. Hypocondriaques et claustrophobes, s’abstenir.

C'est avec qui ? Jean-Louis Trintignant impérial, Emmanuelle Riva fabuleuse et Isabelle Huppert intermittente. Le pigeon n'est pas mal non plus.

Nomination ? 10 en tout. Meilleur film, meilleur réal, meilleur acteur, meilleur actrice, meilleure second rôle féminin, meilleur scénario, meilleur décor, meilleure photographie, meilleur montage et meilleur son. Un raz-de-marée ; non, un blietzkrieg.

Pourquoi fallait le voir ? Parce que c’est la dernière palme d’or et sans doute le César du meilleur film 2013. Et sinon, pour la performance insensée du couple Trintignant / Riva qui débarquent chez Haneke pour la première fois. Pour le style apaisé (enfin) de l’Autrichien, qui pourtant ne lâche rien de son masochisme. Mais surtout pour la manière dont le cinéaste filme ses deux icônes vieillissantes qu’il regarde non pas mourir, mais se faner. Beckettien (il réduit progressivement deux vies à des emmerdes corporelles) plus que sadique, Haneke fait finalement plus que regarder ses petits vieux tomber : il les écoute. Il faut entendre les modulations infinies de Trintignant qui délivre la nuance ironique, énervée ou triste de ses dialogues avec sa voix grave et nasillarde. Et en retour le timbre de Riva, qui s’éteint progressivement. La direction au cordeau d’Haneke, d’habitude asphyxiante, est ici brillante, comme s’il prenait la peine d’écouter les autres, pour une fois, plutôt que d’asséner sa vérité.

Ca repart avec quoi ? Meilleur film c’est à peu près sur. Tout comme le César du meilleur acteur et celui de la meilleure actrice (quoique Cotillard, Seydoux et Masiero sont en embuscade). La photographie de Khondji est également à prendre très au sérieux ; niveau son, Guillaume Sciama et Jean-Pierre Laforce sont des récidivistes, mais on ne voit pas comment Cloclo pourrait repartir sans ce prix-là. En tout Amour devrait raisonnablement repartir avec 4 statuettes vendredi 22 février.

L'équation win des César

Michel Bouquet (César du meilleur acteur pour Le Promeneur du Champs de Mars) + Simone Signoret (César de la meilleure actrice pour La Vie devant soi) + Annie Girardot (César de la meilleure actrice dans un second rôle) X Le Ruban Blanc (nommé pour le César du meilleur film étranger 2010, mais reparti bredouille) = un potentiel de 4 Césars.