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Redline, film de bagnoles en animation, pousse tous les compteurs dans le rouge. Accrochez vos ceinturesIl y a déjà longtemps, à une époque où ni les informations ni les films n’étaient disponibles sur internet, les magasins d’imports étaient le seul moyen de se tenir au courant des productions  intéressantes, notamment en matière d’animation japonaise, alors en pleine effervescence créative. Dans le genre, un film à sketches de 1986 intitulé Manie manie avait attiré les connaisseurs. On ne le trouvait qu’en import japonais sans sous-titres et il n’eut l’honneur d’une sortie française que récemment, et en DVD. Les trois courts-métrages qui le composaient étaint signés de Rin Taro, Yoshiaki Kawajiri et Katsuhiro Otomo, trois animateurs japonais qui n’étaient pas encore devenus des stars. Bien que très  différents, les trois segments étaient d’un intérêt égal chacun dans sa catégorie, même si celui d’Otomo est le plus réussi. Celui qui nous intéresse est Running man, de Yoshiaki Kawajiri. L’absence de sous-titres ne facilitait pas la compréhension d’un scénario un peu schématique (un ancien gladiateur automobile raconte sa dernière course sur un anneau de vitesse), mais il y avait dans cette histoire de SF une dimension spectrale qui rappelait La jetée de Chris Marker : on ressent le même genre de frisson lorsqu’on croit deviner que le personnage a assisté à sa propre mort. Running man était réalisé par Yoshiaki Kawajiri, et j’ai dû le regarder des dizaines de fois en état d’hypnose. Si j’en parle, c’est parce qu’un film récemment sorti en DVD lui rend un hommage direct.Il s’agit de Redline , un film très attendu par les fans d’animation, un peu en panne de titres forts ces dernières années. Sept ans de préparation, une technique particulière (tout est dessiné à la main), un pédigrée intéressant (l’association de l’animateur Takeshi Koike et du scénariste Katsuhito Ishii), le soutien du studio Madhouse suscitaient  le buzz depuis longtemps. Explications : l’animateur Takeshi Koike s’est fait connaître pour son segment d’Animatrix et les séquences animées de Kill Bill. Madhouse est réputé pour être le studio indépendant qui soigne ses auteurs (Kawajiri, Rin Taro, et le regretté Satoshi Kon, dont le dernier film restera malheureusement inachevé). Redline, donc, est-il à la hauteur des attentes ?Ce n’est pas le classique attendu, mais il est suffisamment délirant pour laisser des traces. Et la performance technique mérite d’être saluée : le film est presque intégralement réalisé à la main, dessin par dessin. Koike lui applique un style très maniéré, usant copieusement de la distortion ainsi que des aplats noirs pour accentuer les ombres, comme en BD.Manifestement, Koike a eu les mains libres pour aller jusqu’au bout de son délire. L’histoire imaginée par Ishii (qu’on avait cru plus sobre dans A taste of tea), commence par un hommage direct à Running man de Kawajiri (même circuit, mêmes rapports de rivalité extrême entre les pilotes, même configuration d’un anneau de vitesse encadré par des gradins, mêmes commentaires sur écran de télé). Ce préambule spectaculaire n’est rien à côté de ce qui suit : il sert à annoncer la finale de la course (la fameuse redline) qui, pour corser la difficulté, doit avoir lieu clandestinement sur une planète utilisée par des militaires pour concevoir et tester des armes secrètes. Autant dire que les occupants ne sont absolument pas prêts à accueillir un cirque médiatique sur leur sol. Surtout que le personnage principal est une sorte de rocker caricatural avec une banane démesurée qui fait du gringue à sa principale concurrente, une super bimbo.Le résultat est indescriptible. La première idée qui vient à l’esprit est une version animée de Speed racer, mais on est très loin du compte. Il est certain que les Wachowski se sont nourris de ce genre de cinéma, mais ils l’ont  épuré pour le rendre lisible par un public occidental. Ici, le style graphique fortement distordu donne vraiment l’impression d’une vision sous acide. Et l’intensité des images multipliée par leur accumulation provoque un effet de saturation qui exige probablement des visions répétées pour prendre la mesure de cet objet très particulier.Le DVD sorti chez Kaze propose un disque entier de bonus qui retrace en détail le making of du film, depuis la conception de l’histoire et des personanges jusqu’à l’enregistrement des voix  et à la composition de la musique.