Résumer Animal Kingdom aux amis qu’on tentait de convaincre d’aller voir ce film rêche et sombre sur une famille d’australiens crapuleux et dégénérés était un exercice ingrat. On se retrouvait dans la position des personnages de David Michôd, pour lesquels le langage est rarement un véhicule satisfaisant des émotions. Pas spécialement bavard, son premier long métrage n’était jamais aussi puissant que quand personne ne l’ouvrait.Avec sa longue et impressionnante scène d’introduction muette, The Rover confirme que le cinéma de Michôd exprime toute sa force dans les séquences non dialoguées. Le pitch aussi est économe en mots : dans un outback australien terrassé par le soleil et l’effondrement économique, un homme mutique (Guy Pearce) tente de retrouver la bagnole qu’une bande de voyous vient de lui dérober. Il entraîne dans sa quête le frère simplet que ceux-ci ont laissé pour mort derrière eux.La force terrifiante du film vient également de son duo principal : Pearce est un homme perdu, dévasté par la culpabilité du crime impuni qu’il a commis et par le délitement de tous les codes moraux du monde qu’il a connu. Pattinson incarne lui le monde d’après, celui dans lequel être un débile léger et spontané (y compris et surtout dans le maniement de son flingue) n’est pas la pire des stratégies de survie, au contraire. Voir l’agitation et les tics de l’ancien vampire aux dents de lait angoisse un peu au début du film, mais Rob Patt prouve qu’il est un acteur au potentiel dément (une des scènes inoubliables du film est d’ailleurs celle où il chante Pretty Girl Rock assis dans la voiture, la nuit). Mais The Rover est le film de Guy Pearce, capable en un battements de cils de passer de la détermination froide à la colère explosive voire (mais tout de même plus rarement) à l’empathie ou la pitié. Son combat intérieur d’homme quasiment ramené à l’animalité et pourtant régulièrement rattrapé par les affres morales fait de lui ce qui pourrait devenir le parfait archétype michodien.Si le fonds métaphysique est assez proche, le cinéaste a choisi une esthétique opposée à celle d’Animal Kingdom : The Rover est un western ample battu par le soleil là où le précédent était un drame urbain confiné et sombre, son montage est simple là où Animal était parfois abusivement complexifié, et enfin la brutalité des personnages y est plus brutale, moins sournoise. Et le cinéaste évite aussi la série de clichetons SF que son lointain écho madmaxien aurait pu nous infliger. Le monde qu’il décrit est celui dans lequel nous pourrions vivre à moyen terme si on pousse encore quelques curseurs économiques : les trains roulent encore mais sous bannière chinoise, il y a des épiciers même s’ils vendent surtout des flingues, les institutions sont foireuses mais il y a encore des institutions. Et dans un monde où il reste si peu, un homme peut aller très loin pour récupérer la dernière chose importante qu’il veut sauver, caché au fond de son coffre.Daniel de AlmeidaVoir aussi :Robert Pattinson : "A force de me faire descendre à cause de Twilight, mon ego en avait pris un coup"Bande-annonce de The Rover, en salles le 4 juin :
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- REVIEW - Guy Pearce et Robert Pattinson sont impressionnants dans le brutal The Rover
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