Guide du 15 janvier 2020
Universal Pictures International France / Gaumont Distribution / Apollo Films

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

1917 ★★★★☆/ ★☆☆☆☆
De Sam Mendes

L’essentiel
Le nouveau film de Sam Mendes, qui nous plonge au coeur de la Première Guerre mondiale, a divisé la rédaction.

POUR
Une course contre la montre derrière les lignes ennemies qui prend la forme (forcément pas tout à fait) d’un unique plan-séquence. Comme Iñárritu avec Birdman, Mendes a le sens du grand spectacle ludique.

CONTRE
Bizarre, quand même, cette tendance de Sam Mendes de trouver l’inspiration en singeant les grands cinéastes à la mode. Après son Skyfall qui appliquait à James Bond le traitement dark des Batman de Nolan, le voici dans la roue de Cuarón et d’Iñárritu avec son film « en un plan-séquence » (ou presque).
Thierry Cheze et Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIMÉ

SELFIE ★★★☆☆
De Collectif

On pouvait redouter qu’une comédie sur le sujet de nos vies 2.0 soit aussi futile qu’un filtre Snapchat. Il n’en est rien. Selfie est une vraie bonne surprise. Composé de cinq histoires différentes, écrites chacune pour un cinéaste différent, le film voit s’entrecroiser les destins de fous des réseaux sociaux et autres pratiques numériques.  
Sophie Benamon 

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UNE BELLE ÉQUIPE ★★★☆☆
De Mohamed Hamidi

Oui, l’histoire (un club de foot sur le déclin monte une équipe féminine) a des airs de redite : dans Comme des garçons, l’an passé, Julien Hallard avait raconté la création de la première équipe de foot féminin de l’histoire à Reims. L’originalité du film de Mohamed Hamidi (La Vache) se situe ailleurs : dans son scénario très bien ficelé mettant en avant une foule de seconds rôles qui existent tous et bénéficient de l’interprétation d’acteurs plutôt habitués des têtes d’affiche. Ainsi, Céline Sallette en femme qui refile la charge mentale du foyer à son époux (Guillaume Gouix) est parfaite, Alban Ivanov irrésistible en « idiot » du village, et Laure Calamy apporte sa folie au personnage de la petite bourgeoise. Le tout mené par Kad Merad, dont la bonhommie naturelle et subtile se bonifie comme le vin.
Sophie Benamon

VIOLET EVERGARDEN : ETERNITE ET LA POUPEE DE SOUVENIRS AUTOMATIQUES ★★★☆☆
De Haruka Fujita et Taichi Ishidate

A première vue, ce petit film est une étrangeté ésotérique. Adapté d’une série de romans elle-même déclinée en série animée, Violet Evergarden : Éternité et la poupée de souvenirs automatiques raconte donc l’histoire de cette "poupée" mi-femme mi-robot aidant dans un 19ème siècle alternatif les gens à raconter leurs histoires. Mais même sans rien connaître de l’œuvre d’origine, Violet Evergarden est suffisamment charmant pour mériter l’attention du spectateur. C’est un conte en deux parties, situé dans un univers subtilement steampunk -mais plus steam que punk- qui explore la douleur de la séparation : une jeune femme, cloîtrée dans un pensionnat de jeunes filles où elle apprend les bonnes manières, livre le secret de son existence à Violet -une jolie création animée, jeune femme aux bras mécaniques, vétéran de guerre (celle-ci, hors champ, n’existe que par le poids de sa douleur évoquée -encore une belle idée de cinéma). En deuxième partie, une jeune fille apprend le métier de postière… Petite musique douce, images pastel, univers rassurant et agréable : les réalisateurs Haruka Fujita et Taichi Ishidate ont travaillé sur le magnifique Liz et l’oiseau bleu, dont ce Violet Evergarden est le pendant en plus léger, plus simple et moins violent. Violet Evergarden est une jolie petite chose, qui nous apprend comment continuer à vivre après les drames : cette morale peut faire sourire, ce serait ignorer que le film est le nouveau long-métrage issu du studio Kyoto Animation (Liz et l’oiseau bleu), victime d’un incendie criminel en juillet 2019, qui a fait 36 victimes. Et cette histoire de douleur, de création, de survie, devient essentielle.
Sylvestre Picard

MARCHE AVEC LES LOUPS 
★★★☆☆
De Jean-Michel Bertrand

Ceci n’est pas un documentaire animalier, tel pourrait être le sous-titre de ce documentaire, dans lequel Jean-Michel Bertrand reprend le ton si particulier de ses aventures à la première personne qui ont fait sa marque de fabrique dans La Vallée des loups en 2017. Après avoir guetté les loups dans leur habitat et immortalisé le peuple des montagnes, le promeneur solitaire remet son sac à dos pour suivre à la trace le jeune loup obligé de quitter la meute. Son périple l’entraîne au plus près de la ville et des hommes, ce qui confère à ce nouveau volet une dimension plus militante. Comment cohabiter ? Jusqu’où l’humain va-t-il pour chasser l’animal ? Telles sont les questions qui traversent le film et jalonnent les bivouacs improvisés et parfois burlesques du réalisateur.
Sophie Benamon

SWALLOW 
★★★☆☆
De Carlo Mirabella-Davis

Pour Hunter, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Un mari aux petits soins, une maison sublime dans l’Upstate New York, l’absence de tout souci matériel à l’horizon... Mais il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Car très vite, le rideau se déchire. Le mari se révèle étouffant, la demeure a tout d’une prison de verre et l’oisiveté va peu à peu la conduire à la folie quand, enceinte, elle se met à ingérer tous les objets qui lui passent sous la main. Carlo Mirabella-Davis se révèle doué pour faire monter cette tension sourde. L’interprétation troublante de Haley Bennett se marie à merveille à sa mise en scène dépouillée permettant de deviner chaque petit morceau de cette fausse perfection qui se craquelle. Dommage qu’il tienne à tout prix à justifier cette obsession par la révélation d’un secret éminemment prévisible. La suggestion lui va mieux au teint.
Thierry Cheze

SYSTÈME K 
★★★☆☆
De Renaud Barret

C’est en 2003 que le Français Renaud Barret, qui travaillait alors comme graphiste, a mis pour la première fois les pieds à Kinshasa, comme photographe accompagnant un grand reporter de presse écrite. Une découverte comme une déflagration qui l’a poussé à quitter Paris pour s’installer sur place et y produire, au fil du temps, des films et des albums de groupes locaux avant d’y réaliser des documentaires. Neuf ans après l’épatant Benda Bilili ! (cosigné Florent de La Tullaye), il part à la rencontre d’une dizaine de performeurs qui déploient leur art dans les rues de la capitale de la République démocratique du Congo, en jouant avec le chaos permanent et effervescent de la ville. Évitant la facilité de la caméra à l’épaule, Renaud Barret raconte l’intimité de ces hommes et femmes par-delà leurs gestes artistiques. Comme un compagnon de route et non un Européen venu s’encanailler dans un territoire exotique. Un spectacle fascinant.
Thierry Cheze

DOUZE MILLE 
★★★☆☆
De Nadège Trebal

Avec son premier long, Nadège Trebal fait entendre une musique singulière dans le concert des films sociaux engagés. Accompagnée par la sublime BO de Rodolphe Burger et les chorégraphies inventives de Jean-Claude Gallotta, elle met de la fantaisie et de la danse là où tant de ses confrères semblent paralysés par leurs sujets. Elle y suit l’odyssée d’un chômeur qui décide de partir loin de chez lui et de celle qu’il aime pour trouver un boulot et gagner 12 000 euros. Une somme égale au salaire que sa compagne gagne et qui leur permettrait d’avoir un an de tranquillité devant eux. Cette odyssée prolétaire fait rimer politique et sensualité avec une telle originalité que, dès lors que le récit revient dans les clous, il peut susciter de l’ennui. Mais son travail sur les corps (au travail comme traversés de plaisirs) est suffisamment rare dans le cinéma français pour ne pas le célébrer.
Thierry Cheze

L’APOLLON DE GAZA 
★★★☆☆
De Nicolas Wadimoff

Dix ans après Aisheen (Chroniques de Gaza), Nicolas Wadimoff revient dans la ville-martyre pour y déterrer littéralement l’Apollon de Gaza, une imposante statue grecque présumée, découverte par un pêcheur local en 2013 et disparue depuis. “Présumée” car les spécialistes s’écharpent depuis à propos de son authenticité, débat renforcé par l’évanouissement soudain de la statue, mise à l’époque aux enchères sur eBay ! Wadimoff mène l’enquête auprès des témoins concernés et de chercheurs confirmés dont les avis contradictoires épaississent le mystère. L’intérêt du doc est ailleurs, dans ce que raconte cette affaire de la fierté des Gazaouites, déterminés à s’approprier cet Apollon, devenu le symbole d’une lutte des Palestiniens pour imposer leur capital culturel.
Christophe Narbonne

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ


JE NE RÊVE QUE DE VOUS ★★☆☆☆
De Laurent Heynemann

Quand tant déplorent l’inflation constante des sorties en salles, la présence au cinéma de certains projets surprend. À l’image de ce film qui marque le retour sur grand écran après dix-huit ans du réalisateur des Mois d’avril sont meurtriers. Certes l’intrigue proposée est originale : les biographies de Léon Blum ne mettent guère en avant son histoire d’amour avec Jeanne Reichenbach, mère de famille issue de la grande bourgeoisie qui, en 1940, alors que Blum est enfermé au camp de Buchenwald, va tout quitter pour s’y marier avec lui. Indéniablement, Hippolyte Girardot et Elsa Zylberstein campent parfaitement ces deux personnages. Mais la platitude d’une mise en scène résumée à une très scolaire reconstitution historique empêche ce récit de prendre sa pleine puissance. Je ne rêve que de vous a tout d’un unitaire télé, où il aurait eu plus sa place... et une audience plus importante.
Thierry Cheze

3 AVENTURES DE BROOKE 
★★☆☆☆
De Yuan Qing

Il était une fois Brooke... Ainsi pourrait débuter ce film chinois qui a tout d’un conte. Brooke, une jeune Chinoise voyageant seule en Malaisie, est victime d’une crevaison de vélo : c’est le point de départ commun de trois aventures distinctes en mode « et si », en fonction des rencontres qu’elle effectue dans la foulée de sa mésaventure. Éminemment ludique, ce premier long métrage d’une ex-collaboratrice de Téchiné et Chéreau possède un charme fou, celui de sa superbe interprète, Xu Fangyi, et des couleurs chatoyantes qui accompagnent les péripéties vécues par son personnage. Mais les influences criantes et revendiquées du cinéma de Hong Sang-soo et Rohmer finissent par enfermer ces 3 aventures de Brooke dans le piège du film hommage à citations. Et la comparaison avec ces deux maîtres tourne évidemment à son désavantage. Parfois, trop de cinéphilie nuit.
Thierry Cheze

 

Et aussi
The Grudge de Nicolas Pesce

Reprises
Bad Lieutenant d’Abel Ferrara
New Rose Hotel d’Abel Ferrara