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L'Amérique doit faire face à une crise majeure suite à l'attaque mardi de son consulat de Benghazi en Libye ayant entraîné la mort de quatre de ses diplomates, dont l'ambassadeur, aux manifestations en Egypte, en Iran, au Yemen, à une possible propagation des protestations en Afghanistan, au Soudan... L'origine de cette violence ? Un film, Innocence of Muslims, brûlot islamophobe qui présente le prophète Mahomet comme un bâtard, un séducteur, un pédophile et un voleur... Et qui est aussi une aberrante série Z dont le ridicule prêterait à rire si le propos, et ses conséquences, n'étaient pas si dramatiques.Grand détournementDes acteurs mauvais au-delà de l'entendement et incrustés sur fond vert, une histoire inepte, un montage foireux, des doublages grossiers, Innoncence of Muslim ressemble au Grand détournement. Et détournement, il y a eu, à en croire les acteurs du film qui ont écrit un communiqué publié par le Los Angeles Times :"Tous les acteurs et toute l'équipe sont bouleversés et ont l'impression d'avoir été exploités par le producteur", écrivent-ils. "Nous sommes à 100 % contre ce film et avons été grossièrement trompés sur ses intentions et objectifs. (...) Nous sommes choqués par les réécritures radicales du scénario et les mensonges proférés à toutes les personnes impliquées".Une des actrices du film a expliqué au site Gawker avoir répondu à une annonce pour un projet de film historique du nom de Desert Warrior dans lequel n'apparaissait à aucun moment le nom de Mahomet. Le film a été tourné pendant l'été 2011 dans une église de Los Angeles où la cinquantaine de comédiens impliqués jouait devant un écran vert sans avoir la moindre idée du résultat final. Les dialogues ont été modifiés après coup, ce qui est audible dans la vidéo.Le mystères des originesMardi, un promoteur israélo-américain du nom de Sam Bacile s'est présenté comme étant le réalisateur et producteur du film, qu'il aurait financé grâce à des donations de riches Israéliens d'un montant de 5 millions de dollars - une somme énorme vu le résultat. Mais un certain Steve Klein, consultant sur le film, a affirmé au journal The Atlantic que ce nom était un pseudo et que l'homme n'était pas israélien. Les médias américains, engagés dans une véritable chasse à l'homme, s'interrogent sur son existence même, le Christian Science Monitor allant même jusqu'à questionner la réalité de ce film. Klein a raconté avoir organisé une projection dans un cinéma du sud de la Californie, mais qu'aucun billet n'avait été vendu. La bande annonce de 14 minutes a été postée sur YouTube début juillet dans la plus totale indifférence, jusqu'à ce qu'apparaisse une version traduite en dialecte égyptien quelques jours avant le 11 septembre, largement commentée par les médias et atteignant très vite le million de vues avant que n'éclatent les violences.Selon un groupe qui combat les extrémismes, Steve Klein serait un chrétien lié aux milieux d'extrême droite. Aux médias américains, il a affirmé ne pas connaître la véritable identité de l'auteur du film, avant de les mettre sur la piste de coptes égyptiens vivant aux Etats-Unis. L'agence AP a retrouvé la trace d'un copte d'origine égyptienne vivant dans la banlieue de Los Angeles, Nakoula Basseley Nakoula, que l'on soupçonne maintenant d'être à l'origine de ce brûlot. Retranché chez lui, assailli par les médias, l'homme au casier judiciaire bien rempli (il aurait été condamné en 1997 pour avoir tenté de fabriquer de la méthamphétamine, puis en 2010 pour escroquerie bancaire) a dû demander une protection policière.Crise internationaleAlors qu'aux Etats-Unis, le pasteur américain Terry Jones, célèbre pour avoir brûlé publiquement un exemplaire du Coran, s'est fait le défenseur du film et a annoncé qu'il diffuserait l'extrait dans son église, et que l'affaire s'invite dans la campagne présidentielle (le candidat républicain Mitt Romney a critiqué la réaction de Barack Obama suite à la mort des quatre diplomates), le Secrétaire général de l'ONU a pris la parole pour condamner Innocence of Muslims et appeler à la retenue. La Maison Blanche a demandé le renforcement de la sécurité dans ses ambassades à travers le monde et craint aujourd'hui de nouvelles manifestations dans les pays arabes. Une crise internationale majeure donc, provoquée par ces 14 minutes de série Z dont on ne connaît toujours pas précisément l'origine ni la véritable raison d'être.