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C’est la loi du genre. Alors que Nanni Moretti vient de remettre son palmarès, des voix s’élèvent déjà pour le contester. Où sont passés Audiard et Kidman ? Pourquoi avoir boudé l’Amérique ? Et franchement qui a compris le Reygadas ? Debrief à chaud, avant de tout oublier pour une année entière…Une palme attendue (et méritée)Conformément aux pronostics de la journée, c’est donc Amour de Michael Haneke qui décroche la Palme d’or. 3 ans après son Ruban Blanc, l’autrichien repart avec sa deuxième Palme d’or sous le bras (rentrant dans un club très fermé déjà squatté par Coppola et Bille August). Isabelle Huppert absente du jury cette année, on ne soupçonnera personne de copinage. Et le fait est que, depuis la présentation du film dimanche, c’était plié : son cri d’amour déchirant, son étude clinique de la dissolution d’un couple avait fait l’unanimité. Précision de la mise en scène, empathie pour ses personnages  et ses comédiens (une grande première pour Haneke) : en découvrant Amour, on savait que la compétition venait de décoller et que peu de postulants pourraient rattraper le cinéaste autrichien. Comme l’a rappelé Moretti, le film doit beaucoup à ses deux acteurs principaux. Mais Haneke a su les mettre en scène, les écouter, les laisser vivre : Amour est du coup son film le plus maîtrisé, le plus doux, le plus sensible. Le plus habité. Et celui où passe le plus de cinéma, notamment à travers son regard plein d’admiration pour Trintignant et Riva. La palme d’or était méritée. Le reste du palmarès, en revanche…L’absence des américainsLe retour des américains sur la croisette aura finalement été un vrai fiasco. Copieusement ignorés par Nanni et ses amis, méprisés par la presse dans son ensemble, Andrew Dominik, John Hillcoat, Jeff Nichols (mal placé) repartent les mains dans les poches. Ce qui ne passe pas pour ces trois là, c’est le classicisme. Ces trois (grands) films nagent dans les mêmes eaux, celles du Mississipi, et surtout, celles où se confluent les grands mythes ricains (liberté, combat entre l’individu et l’Etat, enfer de la corruption, goût des armes) et l’histoire du cinéma. La volonté de se confronter au genre - le western, le film de gangster, le film de traque – aura sans doute aveuglé (effrayé ?) le jury qui n’a peut-être pas su voir que derrière le glamour et l'esthétisme hollywoodien, ces trois chef d’œuvres se répondaient en s’attaquant aux racines du capitalisme et de la société individualiste.Dans un autre registre Wes Anderson, Cronenberg et Lee Daniels n’auront pas séduit le jury. Pour Paperboy c'est clair : trash, vulgaire, le nouveau film de Lee Daniels pousse tous les compteurs dans le rouge. Mais justement : avec ce film too much - parfois inspiré - Lee Daniels s’installe quoiqu’il arrive dans le panthéon des auteurs provocs à suivre (entre Almodovar et John Waters). Face à ce cinéma américain audacieux, frontal, Nanni et son jury auront préféré valoriser un cinéma d’auteur hardcore (au hasard le Reygadas) et ultra-cannois. De ce point de vue, le Palmarès sonne comme le retour du refoulé et une peur du grand cinéma hollywoodien assez désespérante.Le scandale Audiard ? Rien. Nib. Que dalle. Jacques Audiard doit avoir un sale gout de rouille, d’os et d’amertume dans la bouche. Pas sûr qu’il aille passer ses vacances d’été en Autriche. Pour la deuxième fois consécutive, il doit en effet s’incliner devant Michael Haneke. Après le duel «Un Prophète/Ruban Blanc» de 2009, cette édition avait des petits airs de revanche. Et Audiard perd la deuxième manche. Cette fois-ci c’est encore pire qu’en 2009, puisqu’il repart totalement bredouille. Alors quoi ? Nanni est-il allergique au mélo ? L’amputation lui file-t-elle les chocottes ? Déteste-t-il à ce point les Marynelands ? Que De Rouille et d’os reparte sans un prix est en tout cas une véritable injustice. Qui s’explique quand même un peu : présenté en début de festival, peut-être un peu trop poussé par les médias français et surtout très mal vendu (un Marion Cotillard’s movie), De Rouille et d’os (rebaptisé « bredouille et d’os » sur Twitter) n’aura pas tenu la distance. On aurait aimé que Nanni salue la mise en scène insensée de ce film (sensualité et violence) ; qu’il valide l’ambition folle de son scénario (un mélo avec des couilles qui cite La Nuit du Chasseur et Morse) ou consacre Schoenaerts pour son interprétation monstrueuse. Mais non : surstylisé (un crime de lèse-majesté pour Moretti), assumant pleinement son caractère mélo et finalement trop ambitieux (le film clame à chaque plan : « chef d’œuvre, chef d’œuvre »), le film a laissé le jury coi.Cotillard et Kidman boudées.Deux actrices auront survolé la compétition : Nicole Kidman et Marion Cotillard. Cotillard avait ouvert la compétition avec une performance énorme, à fleur de peau. Dans le rôle de Stéphanie, elle passait par tous les registres, et tous les états. Drame, légèreté, angoisse et violence. Inattaquable, inaccessible elle avait gagné le prix dès le premier jeudi. Ca ne faisait pas débat. Même Emanuelle Riva (pourtant magistrale) ne lui arrivait pas au moignon. Ca, c’était jusqu’à ce qu’on découvre la Kidman dans Paperboy. Son numéro de fille facile, blonde et naïve, est hallucinant. Sa scène de fellation l’un des morceaux de ce festival, tout comme le peegate… Rarement une actrice de ce calibre se sera mise à ce point en danger. De la beauté pure et classique 80’s qu’elle était, Kidman se transforme en icône trash et gay ne reculant devant rien (et surtout pas les sécrétions). Osée, jusqu’auboutiste, habitée, Kidman rentrera pourtant, elle aussi, sans rien  si ce n’est la petite pique du président (« Je ne suis pas contre le glamour mais il faut que cela soit dans des films qui me plaisent »). Que Nanni Moretti file le prix d’interprétation à deux actrices inconnues, trouvées sur le net (par ailleurs très bien), montre son désir de valoriser un cinéma naturaliste, « vrai », où la performance le cède à l’authenticité.Le club             Au fond, que le jury ait sacrifié les américains et Audiard n’est pas bien grave. Mais qu’il fasse triompher des auteurs locaux pour des films mineurs (Loach et sa petite comédie imbibée, Mungiu et son histoire d’exorcisme faiblarde, Reygadas, primé pour un film incompréhensible) en dit long sur sa vision (très conservatrice) du cinéma. Alors que la sélection, elle, semblait cette année, ouverte à toutes les promesses, le palmarès est une vraie déception.