Après presque deux ans d'absence, le magazine Strip-tease créé en 1985 a fait son retour la semaine dernière sur France 3. Et non sans créer le buzz ! Pour Premiere.fr, le créateur de l'émission, Jean Libon, revient sur ce programme culte et aussi sur la polémique qui a émaillé son magazine avec la diffusion du reportage "Recherche bergère désespérément".
Comment expliquez-vous que Strip-tease soit toujours là plus de 25 ans après sa création ?Jean Libon : C'est dû à notre très grande honnêteté. La télévision s’est dévaluée au fil du temps. Chaque année, on enlève au média télévision une couche d’honnêteté, d’intellectualité, de pensée, de distraction. Nous, on reste stable depuis 1985, c’est à mon avis ce qui nous sauve. Strip-tease est la télé du réel. On devient chaque année plus supportable ou insupportable suivant si on est ouvert ou pas. De mon côté, j'ai des gens de droite qui disent que je suis un abominable gauchiste et des gens de gauche qui disent que je suis un abominable réac’. Le fait d’être adoré ou détesté par un peu tout le monde, je me dis qu’on tape plus ou moins juste.Le reportage sur Damien, "Recherche bergère désespérément" a beaucoup choqué. On a même parlé de reportage malsain...Ce n’est pas contre nous qu’il faut avoir de malaise ! Je ne vois pas du tout ce qu'il y a de malsain, je ne comprends pas, tout ça, c'est de l'hypocrisie. J'ai plutôt trouvé que Damien était un type en manque d’amour. J’ai beaucoup de compassion pour lui et sa famille. Quant aux arnaques des agences matrimoniales, si on découvre seulement en 2012 que ça existe, je suis un peu attristé… Il y a une chose qui m’a toujours consterné quand je suis arrivé en France il y a 20 ans. Chaque semaine, on a besoin de son petit scandale. On arrive au mois de juillet, c’est les vacances, il ne passe pas grand-chose et le petit scandale, il est tombé sur ma pomme.C'est vous qui avez eu l'idée de faire ce reportage avec cette famille ?Pour tout vous dire, cette émission avec Damien, je ne voulais pas la faire car pour moi, c’est un marronnier. Une émission de télé sur les filles qu’on vient faire venir d’Afrique, d’Asie, de l’Est, ça existe à la télé depuis 30 ans, je n’en voulais pas. Véronique Huth, la réalisatrice, a quand même rencontré la famille, puis m’a présenté la chose avec ses petits effets et m’a convaincu. Et j’ai découvert quelque chose de primordial : il y a un monde qui n’a pas changé, et que j’ai très bien connu. Je viens d’un petit village dans les Ardennes, début des années 50, où la majorité de mes copains d’école primaire, c’était des Damien. Et c’était tout sauf des abrutis comme on a essayé de me le faire dire pour notre ami Damien. Comment parvenez-vous à capter un tel degré d'intimité dans vos reportages ?C’est la chose la plus facile dans notre travail. Pendant le tournage, on ne pose pas de question, on ne dérange rien. Mais une intimité très forte se crée avant le tournage, pendant les repérages, rendant ainsi les choses naturelles. On fait partie des meubles, en fait ! Pour le repérage, il n'y a pas de règle, ça peut durer entre 1 jour et 1 an. Certains sujets sont tournés très vite, comme celui de Damien par exemple. Quelles sont les limites que vous vous fixez ?Tout ce qui touche à l’humiliation des gens. Mais contrairement à ce que l’on pense, les gens filmés s’en tirent toujours. C’est le regard des téléspectateurs qui est perverti quand ils se sentent touchés. Dès qu'un thème les choque trop, ils ne veulent pas savoir et rejettent la faute sur le messager parce que leur émotion a été trop forte. Je crois que Strip-tease est un miroir de la société dans laquelle on vit. Mais on aura toujours besoin d’une émission comme Strip-tease. C’est tout à l’honneur du service public de la programmer, contre vents et marée. Que répondez-vous à ceux qui affirment que Strip-tease est une télé-réalité maquillée sous couvert de reportage ?Il ne faut vraiment pas réfléchir une seule seconde pour dire ce genre de conneries. La télé-réalité, ce sont des gens qui ne se connaissent pas, qu’on met dans un bocal avec plusieurs caméras, plusieurs scénarios établis qu’on fait varier au jour le jour. Tout ça est complètement artificiel du premier repérage jusqu’à la dernière image de montage. Alors que nous, c’est l’inverse ! On prend des gens réels, avec une seule caméra. Notre souci est de filmer en respectant les choses au plus près pour restituer le réel. J’aime bien la fiction mais je n’en fais pas car je trouve que c’est en dessous de ce que je vois tous les jours dans la rue. C’est pour ça que je fais Strip-tease.Hormis Strip-tease, vous travaillez sur d'autres projets ?Je suis actuellement sur un gros projet dont je ne peux pas encore parler. Ca fait deux ans que l’on travaille dessus mais c’est ultra compliqué. Il y a peu de chances qu’on parvienne à trouver un diffuseur à la télévision, mais si on arrive, ça va dépoter !Propos recueillis par Thibaut Lescuyer
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