- Première
C’est une histoire qui se poursuit à l’ombre d’un mort. Après sept ans d’absence, Ishak revient dans sa péninsule anatolienne natale pour veiller sur sa mère malade. Grand gaillard au regard sombre, il semble porter sur ses seules épaules la culpabilité de tout un village. De flashbacks en cauchemars, Özcan Alper met peu à peu son spectateur sur la trace du disparu. Il s’appelait Ali, avait les yeux clairs et les cheveux blonds façon ange blond de Visconti. Il était différent des autres: lettré, écologiste et sans doute trop délicat pour être un homme, un vrai. Variation du As Bestas de Rodrigo Sorogoyen dans la forme, Nuit noire en Anatolie est servi par sa photographie somptueuse et son portrait, très juste, de la Turquie rurale. Le cinéaste pose un regard cru sur ces territoires reculés et brumeux desquels personne ne part ni ne vient. Ces enclaves où la différence est une tare, où l'obscurantisme et les réflexes virils font loi.
Emma Poesy