Toutes les critiques de Bonhomme

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    Voilà un film gonflé et jusqu’au-boutiste qui ne ressemble à rien de ce qu’on a pu avoir ces dernières années dans le cinéma français. Un film cru et parfois cruel alors que son sujet aurait pu spontanément l’emmener vers un territoire éminemment plus compassionnel et consensuel : un accident de voiture qui bouleverse brutalement la vie d’un jeune couple de la banlieue lilloise. Au volant, Marilyn s’en sort indemne. Mais à ses côtés, Piotr, victime d’un violent traumatisme crânien, n’a plus toute sa tête et va dès lors osciller entre deux extrêmes : tantôt matou apathique à l’intelligence d’un gamin de 6 ans, tantôt fauve en rut à l’hypersexualité débridée. Mais alors que tout - à commencer par leur situation financière déjà précaire avant l’accident – devrait l’inciter à confier Piotr à sa famille (comme ils le réclament), Marilyn va décider de le garder avec elle. Certaine que seul son amour pourra le sauver. Par culpabilité d’avoir été au volant ce jour et de n’avoir, elle, eu aucune séquelle ? Qu’importe. Là, n’est pas la question tant Bonhomme avance en faisant fi de tout jugement moral. Une épopée littéralement menée cul par-dessus tête qui va justement en permanence titiller et repousser les limites de cette sacro-sainte moralité. Y compris et surtout lorsque pour gagner l’argent nécessaire à leur quotidien, Marilyn va à la fois jouer sur le côté sex-machine de son compagnon… et sa capacité à tout oublier en une fraction de seconde. Marion Vernoux (Les beaux jours) signe avec Bonhomme un film d’amour détonnant et irrévérencieux porté par deux acteurs remarquables : Nicolas Duvauchelle à mille lieux d’une composition outrancière dans un rôle où beaucoup auraient opté pour cette facilité lacrymale. Et Ana Girardot qui a remplacé au pied levé Sara Forestier et dont la cinégénie toute en douceur quasi diaphane contraste très intelligemment avec son personnage ancré ou plus précisément sur le point de se noyer dans un quotidien rude et blafard. Ce casting ne pourrait mieux symboliser l’effet de surprise voire de sidération piquante que laisse ce Bonhomme.