La Guerre des mondes
Paramount

Le film de Steven Spielberg revient ce soir sur France 3.

A l'occasion de la rediffusion de La Guerre des Mondes, à 21h sur France 3, nous repartageons notre analyse du succès de ce blockbuster sorti au cinéma en 2005.

C'est la faute à Ben Laden. Le magnifique A.I. - Intelligence artificielle, sorti en juin 2001, trois mois avant la chute des tours, sera pendant longtemps le dernier Spielberg de l'insouciance, de la déconnection du réel, son dernier "train électrique". Après le 11-septembre, le cinéma de Spielberg souffre d'un très méchant PTSD. Arrête-moi si tu peux, tourné juste après, porte en creux les tourments du mensonge américain. La parano rampe. Minority Report, Le TerminalMunichCheval de guerre : désormais l'ADN du cinéma de Spielby sera contaminé par la photo blafarde et désaturée de Janusz Kamiński, fabriqué "à l'ombre des tours mortes" pour reprendre la phrase d'Art Spiegelman. Mais il ne faut pas oublier que Steven est aussi et surtout l'entertainer de l'Amérique. Et que chacun de ses films devra être divertissant.

 

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Echaudé par sa collaboration avec Tom Cruise sur le tournage de Minority Report (Tom, plus prosélyte que jamais, aurait tenté de convertir Steven à sa religion sur le plateau), Spielberg avait juré de ne plus bosser avec lui malgré leurs démentis en promo. Mais la réunion des deux plus puissants power players d'Hollywood est trop juteuse pour ne pas la renouveler, surtout quand Minority Report n'a pas été le carton espéré en 2002 (le film s'est même fait battre par Hyper Noël avec Tim Allen aux USA). Cruise et Spielberg parviennent donc à s'entendre, Tom réussissant même à faire accepter à Steven de tourner La Guerre des mondes avant Munich, tout comme il repousse le tournage de son futur Mission : Impossible III. La Guerre des mondes est alors le carton espéré de l'union Cruise/Spielberg : encore aujourd'hui le film reste le plus gros hit américain de l'acteur.

En 2005, alors qu'Hollywood plane, en plein trip fantasy (la sainte trinité Star Wars, Le Seigneur des Anneaux et Harry Potter est la loco de l'industrie), La Guerre des mondes est à l'os. Et ne raconte rien d'autre qu'une invasion guerrière alien, au ras du bitume. Pas de twist façon Signes. Pas de délire steampunk. Les échecs de La Machine à explorer le temps (2002) et de La Ligue des gentlemen extraordinaires (2003) ont -heureusement?- empêché le film d'être un film d'aventures victorien. Après un premier jet écrit par J.J. Abrams, parti créer la série LostJosh Friedman (futur scénariste du Dahlia Noir et de Terminator : Les Chroniques de Sarah Connor, et désormais au boulot sur Avatar 2 et 3) termine un scénario qui sera copieusement réécrit, resserré, par le scénariste David Koepp. Déjà auteur de Jurassic Park, David replace le contexte du bouquin (1898) d'H.G. Wells de nos jours. Et le transforme en pur film spielbergien. Il est facile de faire un bingo des thèmes fétiches de Spielby dans La Guerre des mondes : la famille cassée, le point de vue des enfants, l'émerveillement devant l'Autre, le contexte suburban... "Ma vraie nature m'ordonne de réaliser des films comme E.T. ou Rencontres du troisième type", racontait Spielberg en 2005. "Mais le spectateur qui est en moi veut que je fasse La Guerre des mondes".

Le réalisateur est conscient qu'après le 11-Septembre il est impossible de faire un film d'invasion alien avec l'innocence d'E.T. Que les spectateurs réclament autre chose. Les aliens de La Guerre des mondes sont là pour nous écraser, nous réduire en esclavage ou en hamburger. Et face à la menace l'homme est réduit à ses pires instincts, comme le montre le personnage de survivant psycho (Tim Robbins). Il est surtout difficile de séparer les moments les plus sombres (la voiture renversée par la foule) des instants de pure grâce : Dakota Fanning découvrant les cadavres flottants à la surface de l'eau, Tom chante Little Deuce Coupe des Beach Boys comme berceuse à sa fille, l'horreur et la beauté marchent main dans la main. Que le film ait été le quatrième plus gros hit de 2005 l'année du triomphe de La Revanche des Sith (autre métaphore du 11-Septembre où "la liberté meurt sous un tonnerre d'applaudissements") en dit long sur la double nature du cinéma de Spielberg (souvenez-vous de Indiana Jones et le Temple maudit, rollercoaster bourré de gore), éternellement écartelé entre le divertissement pur et l'horreur. Souvenez-vous : dans l'ordinateur de Ben Laden se trouvaient des tonnes de porno.

Sylvestre Picard (@sylvestrepicard)

Bande-annonce de La Guerre des mondes :


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