Porté par Jim Caviezel, ce thriller qui surfe sur certaines théories du complot préférées de la droite américaine est un succès grandissant en Amérique.
Le démarrage américain de Mission : Impossible 7 ? Moins bon que prévu. Indiana Jones et le Cadran de la destinée ? Parti pour être un flop. En attendant le duel Barbie/Oppenheimer, les analystes sont d’accord pour dire que le vainqueur du box-office yankee est un thriller nommé Sound of Freedom. Jugez plutôt : 85,5 millions de dollars de recettes pour 14,5 millions de budget, et, surtout, ses chiffres augmentent en deuxième semaine -alors que les lois mécaniques obligent les blockbusters à diminuer leurs entrées dès le week-end suivant la sortie. Bref, un carton certifié. Youpi ? Pas si vite. Un triomphe au box-office, certes, mais un "Box Office Triumph for QAnon Believers", a justement titré Rolling Stone pour indiquer dans quel territoire de cinéma le succès de Sound of Freedom est apparu.
Sound of Freedom raconte le combat de Tim Ballard, un agent fédéral au service du Homeland Security Investigations (la branche "enquêtes" du ministère américain des douanes et de l’immigration), qui part en Colombie sauver des enfants des griffes d’un réseau pédophile. Sur le papier, rien de bien méchant. Sauf que Sound of Freedom s’inspire largement de la vie du vrai Tim Ballard, ex-agent fédéral fondateur d’une organisation polémique nommée OUR (Operation Underground Railroad -en référence pas de super bon goût au réseau de libération des esclaves pendant la Guerre de sécession) qui prétend mener des opérations commando afin de démanteler des organisations pédophiles. En 2020, Ballard a notamment utilisé les réseaux des supporters QAnon pour promouvoir son organisation -QAnon étant le nom d’un mouvement de supporters de Trump persuadés que leur idole mène un combat contre les maîtres secrets des USA à la tête de réseaux satanico-pédophiles (une sous-théorie du complot particulièrement sordide prétend par ailleurs que le sang des enfants terrorisés produit une drogue dont Hollywood serait accro). L’acteur Jim Caviezel, qui tient le rôle de Ballard dans Sound of Freedom, a exprimé son soutien à certaines théories QAnon, -notamment l’existence de réseaux pédophiles organisés par le pouvoir secret- lors de la promotion du film en 2021 (le film a été tourné en 2018, et devait être distribué par la 20th Century Fox, mais son rachat par Disney l’a remisé au placard). Si le film n’exprime pas clairement un soutien pro-QAnon, le lien est facilement fait entre son sujet et la théorie préférée des complotistes : la pédophilie organisée dont se nourriraient les puissants de ce monde.
Finalement distribué par Angel Studios (qui a également produit The Chosen, une série à succès sur Jésus), Sound of Freedom, sorti en salles à une date patriotiquement symbolique (le 4 juillet, la fête nationale américaine), a été présenté par son distributeur comme un film anti-système, qui montrerait une vérité dont les médias aux ordres refuseraient de parler. Le succès du film aurait notamment été amplifié par un système de "places offertes" : les fans du film achètent des tickets en grande quantité et les donnent à d’autres fans potentiels. Caviezel, catholique intégriste marqué à vie par son rôle de Jésus dans La Passion du Christ de Mel Gibson, a affirmé que sa participation au film était le plus important de sa vie -juste après Jésus, bien sûr. Pour l’instant, Sound of Freedom n’a pas de date de sortie française. Mais les grandes figures médiatiques du complotisme hexagonal poussent leurs fans à regarder le film. Coûte que coûte.
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