Un drame judiciaire qui se perd dans une ultra- stylisation mal maîtrisée et trop de didactisme, malgré la remarquable composition de Kelvin Harrison Jr.
Voilà déjà trois ans que ce premier long métrage d’Anthony Mandler a été présenté en compétition au festival de Sundance. Ce détail a son importance et joue contre le film. Car depuis, tant en série (Dans leur regard) qu’en films (The Hate U give, Queen & Slim…), le thème central de son récit – l’inégalité flagrante entre Blancs et Noirs aux Etats- Unis quand il s’agit de justice et de police – a été depuis énormément (et très bien) traité par le cinéma américain, dans la foulée de la montée en puissance du mouvement Black lives matter.
Il serait cependant injuste de ne juger qu’à l'aune de ce déjà beaucoup vu (et en mieux !) cette adaptation du roman éponyme de Watlter Dean Myers dans lequel un étudiant en cinéma de 17 ans bien sous tout rapport se retrouve accusé de meurtre, pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment avec les mauvaises personnes (les auteurs d’un cambriolage qui tourne mal qu’il croise régulièrement dans son quartier) avec au bout une possible peine de prison à perpétuité. Dans cette nouvelle variation du combat en apparence perdu d’avance du pot de terre contre le pot de fer, Anthony Mandler perçoit vite le risque d’être enfermé dans le genre ultra- codifié du suspense juridique. Et il va s’employer à casser l’aspect plan- plan du huis clos de la cour de justice, par un jeun de flashbacks et flashforwards à la Rashomon racontant les mêmes scènes de différents points de vue et en jouant, pour sa mise en scène, sur le regard d’apprenti cinéaste de son héros qui voit forcément la réalité d’un autre œil. Plus coloré ou plus sombre c’est selon. Mais en tout cas jamais purement réaliste.
Ces intentions sont bonnes mais hélas trop maladroitement maîtrisées pour avoir l’impact souhaité. L’hyper-stylisation clipesque (Mandler vient de là et en a signé de très remarqués pour Beyoncé, Lana Del Rey, Rihanna…) finit par sonner faux et maniéré. Et surtout, par une utilisation mal maîtrisée des voix- off et un besoin de tout surexpliquer (on a même droit à l’explication de texte de Rashomon par le prof de cinéma) qui enferme le récit au lieu de le libérer. Et ce malgré les efforts de Kelvin Harrison Jr. (le futur BB King du Elvis de Baz Lhurmann), remarquable dans le rôle central. Le Monstre rejoint ainsi la longue liste des films qu’on aurait aimé adorer.
De Anthony Mandler. Avec Kevin Harrison Jr., John David Washington, Jennifer Hudson... Durée 1h38. Disponible à partir du 7 mai 2021 sur Netflix
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