Rencontre sur le tournage du prochain film consacré à l’Homme d’acier, dont la sortie est prévue pour l’été prochain.
En compagnie de quelques journalistes venus du monde entier, Première se rendait en juillet dernier à Cleveland, dans l’Ohio, où se déroulait une partie du tournage du très attendu Superman de James Gunn. L’occasion de rencontrer le réalisateur ainsi que quelques membres du casting, et d’observer la mise en boîte d’une scène. Avant la diffusion de la bande-annonce ce jeudi, voici ce que le réalisateur et co-patron de DC Studios avait à nous dire sur cette nouvelle itération du super-héros (incarné cette fois par David Corenswet) et la création de son univers cinématographique.
Quel a été le déclic dans l’écriture du scénario de Superman ?
James Gunn : J’adore ce personnage et j'ai toujours aimé DC Comics en général. Mais quand l’opportunité s'est présentée il y a quelques années d'écrire un film Superman, je me suis dit : « Oh merde… Comment je vais faire ça ? ». Je suis connu pour mes personnages de marginaux et à bien des égards, Superman est le super-héros le plus normal qui soit… C'était très intimidant. Alors j’ai décidé de faire The Suicide Squad à la place. Sauf que je n’arrêtais pas de penser à Superman. Comment ça pourrait fonctionner ? J’ai fini par comprendre que c’est à la fois un insider et un outsider, ce qui correspond beaucoup à ce que je ressens. C’est quelqu’un de sincèrement bon dans un monde qui ne l'est pas toujours. Une boussole morale sur une planète très divisée. Alors à quoi doit ressembler le Superman d’aujourd'hui ? C’est ce qui m’a guidé dans l’écriture.
Le comic-book All-Star Superman a été une source d’inspiration ?
L’histoire n'a rien à voir avec All-Star Superman mais l’ambiance s’en rapproche par contre énormément. En relisant la BD, je me suis me suis dit que c’était vraiment ce que je visais pour le personnage et pour Lex Luthor. Superman y est bigger than life mais incroyablement ancré dans la réalité. C’est une tonalité inédite pour un film de super-héros. On suit un personnage extraterrestre avec des questionnements et des problèmes très humains. Et qui ne porte pas un costume moulant comme un t-shirt mouillé.
D’où est venue l’idée d’intégrer au scénario Krypto le superchien ?
J'ai adopté un chien il y a environ deux ans qui s'appelle Ozu, comme Yasujirō Ozu, le réalisateur japonais. Il a été sauvé d’une femme qui avait 60 chiens dans son jardin, et il n’avait jamais connu d’humains. C’est le pire chien du monde (Rires.) Il est très affectueux aujourd'hui, mais au début, il ne faisait pas confiance aux gens. Il s'enfuyait loin de nous, il se cachait. Et il attaquait tout le monde. Il me mordait quand je marchais pieds nus dans la cuisine. Il n'arrêtait pas ! J’ai fini par me demander ce que ça donnerait si le pire chien du monde avait des super-pouvoirs. Et voilà comment est né Krypto, qui correspond à cent pour cent à la personnalité de mon chien.
Il semble y avoir beaucoup de monstres et de super-héros dans le film. Ça a été un casse-tête de tout faire fonctionner ensemble ?
Non, c'était vraiment facile parce que tout tourne autour de Superman, Lois [Rachel Brosnahan] et Lex [Nicholas ]. Tout est lié à ce triangle, chaque petite histoire et chaque personnage. Krypto, Mr. Terrific [Edi Gathegi], Hawkgirl [Isabela Merced] et les autres ont toujours pour but de nous montrer un aspect de la personnalité de Superman, Lois ou Lex.
Quand vous étiez réalisateur chez Troma dans les années 90, vous auriez été surpris qu’on vous annonce que vous alliez réaliser un film Superman trois décennies plus tard ?
Pour être honnête, pas tant que ça. C'est le genre de films que j'ai toujours voulu faire. Une fois que j'ai mis le pied dans la porte du cinéma et que j'ai pu commencer à créer et à voir ce que j'étais capable de faire, j’ai toujours souhaité tourner de grandes productions. Je n'ai jamais visé les petits films indépendants. Je voulais faire Retour vers le futur ou Le Parrain, ces grands films qui parlent aux gens du monde entier, qui réunissent le public. Et je pense que Superman est le personnage ultime pour rassembler les gens et les amener à mettre de côté leurs différences politiques ou culturelles.
Est-ce qu’on peut s’attendre à l’utilisation de chansons, comme dans Les Gardiens de la galaxie, et quelle sera la place du thème mythique de Superman par John Williams ?
C'est un film à musiques, pas un film à chansons - même s’il y en aura quelques-unes. Concernant la partition de John Williams, nous y faisons de gros clins d’œil. Le compositeur John Murphy est en charge de la bande originale de Superman et nous avons travaillé ensemble pendant plus d'un an. Il s'agissait de créer la musique la plus intense possible. Et John a écrit tous les thèmes principaux du film en avance, pour que nous puissions les jouer en direct sur le plateau de tournage.
Comment se passe la création du nouvel univers DC que vous mettez en place ?
Le DCU n'est pas le MCU. Le MCU se rapproche du monde réel, avec des super-héros en plus. Le DCU est un univers différent, légèrement en décalage. Il n’y a pas New York mais Gotham City. Il n’y a pas Seattle mais Metropolis. Tout ça peuple un monde fictif avec lequel nous sommes très minutieux. Mais les histoires peuvent partir dans plein de directions différentes. Dans Superman, il n’y a pas vraiment de références pop culturelles, alors que dans Peacemaker on ne parle que de ça. Donc il y a plein de choses hétéroclites mais qui font toutes partie de cet univers. L’idée est de laisser s’exprimer des personnalités artistiques variées, tout en s’assurant de créer ce monde ensemble.
Dans quelle mesure avez-vous dû vous adapter le scénario de Superman, sachant qu’il s’agirait de la première pierre de ce nouvel univers ?
Je n’ai rien adapté car je refuse de sacrifier le présent pour l'avenir. Tout tournera toujours autour de l'histoire de chaque film et pas de celui qui suivra. C’est fondamental. Nous avons un plan de base concernant ce qui se déroulera dans cet univers, mais si quelque chose ne fonctionne pas, alors on n’hésitera pas à changer. Plusieurs films et séries nous ont déjà pris par surprise durant leur développement. Par exemple je ne savais pas forcément que Supergirl serait le deuxième long-métrage de cet univers. Mais Ana Nogueira a écrit un scénario génial, puis nous avons trouvé un réalisateur incroyable [NDLR : Craig Gillespie] et nous allons faire ce film parce que c'est le meilleur. D'autres scripts ont été écrits avant mais ils n’étaient pas au même niveau. La qualité doit primer, quel que soit le projet sur lequel nous travaillons. C'est plus important que de raconter une grande histoire étalée sur plusieurs films.
Mais qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ? Si vous n’est pas en train d’imaginer un grand puzzle comme le MCU, comment construisez-vous l’univers partagé ?
Il y a une histoire qui sert de fil rouge, mais je crois que nous devons rester le plus simple possible, et l’expliquer au public au fur et à mesure que nous avançons. Dans Les Gardiens de la galaxie 3, Chris Pratt résume l’intégralité de l’intrigue d’Avengers : Infinity War et Endgame le temps d’une scène dans un ascenseur. C’est typiquement ce qui fait que tu n'as donc jamais besoin de voir un autre film du MCU pour comprendre les miens. C'est la même chose ici. Mais en même temps, je m'inspire aussi beaucoup de Star Wars ou de Game of Thrones, des franchises qui racontent des histoires différentes situées dans le même univers.
Comment vivez-vous le fait d’avoir désormais plusieurs casquettes en même temps, d’être à la fois le grand architecte du DCU et un réalisateur ?
Je suis très occupé. Je suis au fond du trou la plupart du temps (Rires.) Mais je suis en même temps très épanoui. Peter Safran [le co-patron de DC Studios avec James Gunn] prend beaucoup de balles pour moi, et il s’occupe d’un paquet de longues réunions. Il doit notamment rencontrer des nouveaux talents et gérer l’aspect financier des choses. Pour moi, c'est toujours la créativité qui compte. C'est donc très amusant et gratifiant de pouvoir faire ça. J'admire depuis toujours des gens comme Greg Mottola, qui réalise Peacemaker, Damon Lindelof, qui s’occupe de la série Lanterns, et Tom King [conseiller pour DC Studios], dont les bandes dessinées ont été si importantes pour moi. Je suis ravi d’être en capacité de réunir ces gens et de leur donner du pouvoir, en leur permettant de s'exprimer pleinement dans le cadre de ces différents projets. Il y a bien sûr des garde-fous, mais rien de bien méchant.
La bande-annonce de Superman sera dévoilée ce jeudi. La sortie du film est prévue pour le 9 juillet prochain en France.
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