Sans se hisser au niveau du Batman de Matt Reeves, ce spin-off consacré à l’ennemi du Dark Knight se démarque par son récit frénétique et deux solides performances : Colin Farrell, carnassier dans le rôle titre, et une étonnante Cristin Milioti.
Quand Matt Reeves a repris en main le destin cinématographique du Chevalier noir, Warner/DC avait déjà en tête de potentiels spin-off, pour la plupart restés à l’état de projets. The Penguin est le premier à émerger après le succès de son Batman qui, de manière opportuniste, laissait la place à une galerie de super-méchants dont le potentiel restait à explorer. La prestation démente de Colin Farrell en Pingouin avait achevé de légitimer le lancement d’une série consacrée au criminel dodelinant. Restait à relever deux défis : réussir une série de gangsters âpre et s’inscrire dans la continuité d’un univers cinématographique et dans la logique de la franchise. C’est d’ailleurs devenu progressivement une promesse des gardiens du temple : le deuxième opus de The Batman devrait s’interconnecter parfaitement avec la série.
De fait, The Penguin débute exactement au moment où se clôt The Batman. Dans une Gotham en plein chaos après le coup d’éclat du Riddler (L'Homme Mystère) et la mort de Carmine Falcone, qui laisse un empire du crime désorganisé, Oswald Cobblepot (Farrell) va tenter de se faire la place qu’il estime lui revenir de droit au sein de la mafia. L’inscription dans l’environnement du film est à géométrie variable, que ce soit en matière de narration ou de style. La partition de Giacchino fils, qui règle son tempo sur celui de son père, contraste notamment avec une réalisation moins esthétisante, une Gotham moins grouillante... et tout cela donne parfois l’impression d’être devant un succédané du film matriciel.
L'hubris du vilain
Narrativement, il faudra attendre la fin de la série (cinq épisodes ont été montrés à la presse) et la sortie du prochain volet avec Robert Pattinson pour avoir une vue d’ensemble. Mais, dans sa note d’intention, Lauren Lefranc, showrunneuse adoubée par Matt Reeves, précise qu’en dépit de tous les atours « comic-book » du projet, ce n’était pas son intérêt principal. Elle explique n’avoir pas, non plus, voulu d’une fiction mafieuse de plus. Son ambition ? Creuser ce qui nourrissait la psychologie et l’hubris du personnage. Venant de la maison-mère des Soprano, la comparaison était inévitable.
Des excès de violence
De fait, l’inspiration est bien là. Si The Batman convoquait allègrement Fincher, The Penguin marche sur les plates-bandes de Scorsese, David Chase et Terence Winter (alors même que ce dernier était censé développer un spin-off sur la police de Gotham dans le même univers... avant de claquer la porte pour différends créatifs). La barre est sans doute trop haute, la construction des dialogues en-deçà. Mais Colin Farrell a bien conscience des eaux dans lesquelles il évolue. Toujours aussi méconnaissable sous les prothèses, il continue de creuser, avec une gourmandise non feinte, les aspérités d’un personnage volatil. Il est étonnamment affable et subitement sanguinaire, pitoyable mais terrifiant... au gré d’une intrigue où l’imprévisible est légion et où les excès de violence déclenchent des sursauts réguliers dans le récit.
Carburant aux montées d’adrénaline, la série file (presque) sans répit en se concentrant sur le portrait en miroir qui s’érige entre le personnage de Farrell et celui de Cristin Milioti. En une poignée de scènes, l’actrice s’impose comme l’antagoniste principale. S’appuyant sur un script qui réinvente avec malice le canon batmanien (regardant notamment du côté de JephLoeb et Tim Sale), la comédienne révélée dans How I Met your Mother dévoile un nouveau visage et finit par faire jeu égal avec l’acteur irlandais. On pensait assister au Farrell show : après avoir été dans l'ombre du Batman, il doit partager l’affiche... On ne s’en plaindra pas.
The Penguin, sur Max, depuis le 20 septembre 2024 (1 épisode par semaine)
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