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Ces dernières années, Clint Eastwood nous a habitué à des réalisations fortes, souvent considérées comme des chef-d'oeuvres. Invictus, son dernier film, qui sort aujourd'hui en salles, fait-il partie de cette catégorie ?Cinq films en trois ans. Trois films en un an et demi. La grande productivité de Clint Eastwood a ce mérite qu’elle met en évidence les deux courants de cinéma qui parcourent désormais son œuvre : D’un côté, les films de Clint sur Clint, à la conquête de son propre mythe, évidemment le courant qu’on préfère (de Million Dollar Baby en Gran Torino) ; de l’autre ses films à grands sujets « américains », occupés à des mythes plus larges et contestables, au risque de l’académisme un peu plan-plan (de Mémoires de nos pères en Echange). Invictus fait partie de ceux-là, même s’il n’a plus rien de spécifiquement américain puisqu’il s’intéresse à l’Afrique du Sud et au mandat post-Apartheid de Mandela. Mais toujours, indissociable de l’œuvre de Clint, cette idée de croyance communautaire (ici à l’échelle d’une nation) pour laquelle il faut continuer de se battre, et sur laquelle il peut continuer de faire des films… 1994 : après trente ans de réclusion politique, Mandela accède démocratiquement à la tête d’un pays ravagé par quatre décennies d’apartheid et trois siècles de ségrégation raciale. Un pays au bord de la guerre civile où les Noirs réclament vengeance contre le pouvoir blanc des Afrikaners. 1995 : l’Afrique du Sud accueille la coupe du monde du rugby, et Mandela (Morgan Freeman, en retenue, avec des paupières en plastique) y voit l’occasion de retourner comme un gant l’image détestée de l’équipe de son pays (symbole de la domination Afrikaner) pour en faire le creuset d’une réconciliation nationale. Le film ne sort jamais du cadre rigide de « l’homme qui avait une vision » (chaque scène dit en gros la même chose), mais Eastwood donne à ressentir la fierté commune retrouvée des sud africains à travers quelques moments en suspension (la visite surprise de Mandela en hélicoptère, les images ralenties de la finale du rugby, au cœur des bouleversements). Une édifiante histoire de réunification par le sport, un beau portrait d’homme politique qui rencontre l’Histoire. Mais quand même, vivement le prochain... Benjamin RozovasInterview : Morgan Freeman, fier d'incarner Nelson Mandela. Photos : Invictus : l’avant-première du film, avec Clint Eastwood entouré de sa famille. Invictus en images. Bande-annonce du film.