Steven Canals
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Le créateur de la série LGBTQ+ qui a révolutionné le petit écran est à Lille cette semaine. Au fil d'une étonnante Masterclass, il a confié aux festivaliers comment sa difficile jeunesse a inspiré Pose.

Trois saisons acclamées. Des tonnes de prix. Et surtout une marque indélébile dans l'histoire des séries télé américaines. Sans aucun doute, Pose est une série majeure du XXIe siècle et la présence de son créateur, Steven Canals, à Séries Mania, est un événement. Pendant plus d'une heure, il s'est confié au public lillois sur son parcours douloureux, remontant à son enfance, très pauvre, dans les logements sociaux de New York.

Nous sommes dans les années 1980. Dans une période que Steven Canals qualifie de "très sombre" pour la Big Apple. En pleine crise du Sida, du crack et une criminalité qui explose, ce gamin qui écrivait déjà des scripts pour ses jouets peine à trouver sa place. "Je ne voulais pas être vu. Parce que j'étais différent et donc sans cesse harcelé. Du coup je préférais rester calfeutré en intérieur, à regarder des films. Et ainsi, de loin, j'ai toujours observé la vie des autres", raconte Canals, qui est aussi membre du Jury de la compétition internationale cette année.

Parmi les oeuvres qui ont marqué sa vie, le créateur mentionne Paris is burning, sur la souffrance de la communauté Drag et LGBT, signée Jennie Livingston (1991) et qui le toucha en plein coeur : "J'étais en troisième année de fac quand je l'ai vu. Et je n'avais jamais vu les noirs, les hispaniques, les gays, être aussi bien représentés à l'écran." Un film fondateur dans sont travail, tout comme... Flashdance ! "Oui, je sais que c'est très stéréotype gay. Mais je m'en fous. Je me fiche de la note du film sur Rotten Tomatoes. Flashdance, c'est un film que je regarde au moins une fois par an. Et passé la quarantaine, j'ai compris que c'était le genre de film qui me parlait spécifiquement, parce qu'on y parle de rêves à atteindre, de gens qui cherchent à décrocher la lune. Et ça résonne en moi, ça fait écho au gamin new-yorkais que j'étais. Et on retrouve beaucoup de Flashdance et de tout ça dans Pose et j'assume complètement."

Car Pose est sans aucun doute l'aboutissement d'un long processus personnel, que Steven Canals a eu bien du mal à vendre à l'industrie. "A chaque fois que je présentais la série, on me parlait de Transparent... mais ça n'a rien à voir ! On me disait aussi qu'il y avait trop de blacks, de gays, de latinos, qu'il était difficile de savoir à qui ça allait s'adresser."

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Mais Steven Canals ne baisse pas les bras. Parce qu'il garde toujours en mémoire le sacrifice admirable de sa grand-mère, débarquée de Porto Rico "avec trois enfants sur les bras et un quatrième en route. Elle est venue avec rien, a bossé à l'usine, pour que les siens puissent avoir une vie meilleure. Comparé à ce qu'elle a enduré, je ne vais pas me laisser abattre au moindre obstacle. Ce serait juste impensable." Alors le scénariste insiste et croise la route d'un certain Ryan Murphy.

Pose saison 2
Fx

"Il était au top de sa gloire. Après Glee, American Horror Story, après le couronnement de The People VS. OJ Simpson... Il pensait lui aussi faire une série sur l'univers du Ballroom de New York, mais bloquait sur le script. J'ai pu alors lui pitcher le mien, Pose, que j'avais écrit deux ans et demi auparavant. Il savait que Hollywood n'était pas prêt pour deux séries sur ce sujet. On s'est donc rencontré pendant 45 minutes et on a décidé de faire équipe. Et c'était parti..."

Pose était donc née. Comme un aboutissement après toutes ces années de galère, pour un auteur à fleur de peau : "Ma mère disait que j'étais trop sensible. Que j'étais trop empathique vis à vis des autres." Une empathie chevillée au corps, qui le poursuit toujours, à l'âge de 40 ans. Ainsi, au moment d'évoquer sa réussite personnelle à Hollywood, sa gorge se noue tout à coup : "Quand je réfléchis à là où j'en suis aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de penser en même temps à ceux qui sont encore là-bas, qui essayent et qui n'arrivent pas s'en sortir. Pourquoi moi j'ai réussi et pas eux ?", s'interroge Steven Canals. "Je n'aurai jamais la réponse. Mais c'est pour eux que j'écris aujourd'hui..." 

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