Black Bird
Apple

L'auteur de Mystic River et Shutter Island est derrière ce thriller carcéral glaçant, qui débute sur Apple TV+.

Dans la tête d'un serial killer... David Fincher avait parfaitement réussi à explorer les méandres psychiques des sociopathes de ce monde, dans Mindhunter, série sur les origines du profilage au FBI, arrêtée après deux saisons. Black Bird, qui vient d'être lancée sur Apple TV+, s'inscrit dans la droite ligne ! Peut-être pas aussi léchée que la série Netflix et clairement moins ambitieuse, elle n'en demeure pas moins dévorante, hypnotique même...

L'écrivain et scénariste Dennis Lehane (auteur de polars cultes comme Mystic River, adapté par Clint Eastwood au cinéma et Shutter Island, adapté par Martin Scorsese) créé ici sa première série, en portant à l'écran l'histoire vraie de Jimmy Keene, ancienne star de foot US au lycée, séducteur et sûr de lui, qui s'est reconverti dans le trafic de drogues. Arrêté par les flics, il est condamné à une lourde peine de dix ans de prison. Mais le procureur lui propose un deal : intégrer un pénitencier de haute-sécurité pour détenus instables, afin de fraterniser avec l'inquiétant Larry Hall, et faire parler celui qui est suspecté d'avoir assassiné une dizaine de filles, mais qui s'apprête à être libéré en appel, faute de preuves...



Il y a clairement quelque chose d'Edmund Kemper, dans la manière dont Larry Hall est dépeint dans Black Bird. Quelque chose de déconcertant dans l'incarnation de ce géant psychopathe barbu, à la voix calme et posée. Quelque chose d'insaisissable dans sa façon de voir le monde. Quelque chose de glaçant, dans sa manière de se confier... Comme dans Mindhunter, les longues discussions sordides sont l'essence de la série Apple. Juste deux chaises, une grande table, et ce besoin de comprendre le mal absolu personnifié. Ces face-à-face aussi fascinants qu'exténuants rythment Black Bird et brillent d'abord grâce à l'écriture authentique de Dennis Lehane, qui n'hésite jamais à nous faire douter, à s'aventure dans une complexité morale perturbante. Ils brillent aussi parce que le duo Taron Egerton / Paul Walter Hauser fait des merveilles. Bien loin de Kingsman et Rocketman, le jeune anglais désormais bodybuildé tient là sa meilleure performance, tout en nuances, entre charisme absolu et vulnérabilité pure face à l'indicible. De l'autre côté de la table, avec ses terrifiantes "Sideburns" noires (des "favoris" en français) Paul Walter Hauser est aussi flippant que Cameron Britton dans Mindhunter. Derrière ses yeux bleus transparents et sa voix de petit garçon, on devine une âme brisée et dévastatrice.

Le thriller carcéral se délaye ainsi en six heures de discussions, parfois un peu épuisantes (il y a peu, voire pas d'action à proprement parler) et aurait certainement mérité une peinture plus abrupte du sordide pénitencier qu'on nous présentait comme un enfer, et qui ressemblerait presque à une gentille colonie de vacances comparée à Oz. Heureusement, Black Bird sait offrir quelques respirations bienvenues, en nous sortant de derrière les barreaux, pour poursuivre l'investigation sur le terrain. Remontant la traces du serial killer, le duo Greg Kinnear / Sépidé Moafi incarne l'autre facette de l'enquête, avec une alchimie bluffante. Et puis on découvre, non sans un petit pincement au coeur, un Ray Liotta à fleur de peau, bouleversant en père inquiet, pour l'un de ses tous derniers rôles.

Black Bird, mini-série en six épisodes, à voir dès le 8 juillet 2022 sur Apple TV+.