Neil Gaiman
Abaca

L'auteur de Sandman et de Coraline aurait profité de la précarité des jeunes nounous de son enfant pour assouvir ses fantasmes. Il nie avoir eu des relations "non consenties".

L'été dernier, plusieurs femmes ont accusé Neil Gaiman d'agressions sexuelles. Au sein du podcast Master, les allégations de cinq d'entres elles avaient été détaillées, sans les citer nommément. Ces plaintes avaient poussé Amazon à demander au co-auteur de Good Omens de se détacher de la série, et à réduire son ultime saison à un seul épisode. Vulture cite aujourd'hui huit plaignantes dans un article de couverture du New York Magazine, dont certaines dévoilent leur identité. L'implication de l'ex-épouse de Gaiman, Amanda Palmer, est aussi évoquée dans le papier, celle-ci ayant souvent été à l'origine de l'embauche des nounous qui ont fini par avoir des relations sexuelles avec son mari.

Attention, les précisions données ci-dessous traitent explicitement de violences sexuelles et psychologiques.

Dans ce long récapitulatif des plaintes intitulé 'There Is No Safe Word" ("Il n'y a pas de mot de sécurité", en référence au terme choisi par deux partenaires pour dire "stop" lors d'une relation sexuelle), la journaliste Lila Shapiro s'est entretenue avec huit femmes. Toutes racontent des expériences similaires avec Neil Gaiman.

Scarlett Pavlovich est celle qui livre le plus de détails sur sa relation avec l'auteur d'American Gods. Elle avait 22 ans lorsqu'elle a rencontré l'ex-femme de l'écrivain, Amanda Palmer, en Nouvelle-Zélande. Fascinée par l'assurance de la chanteuse, elles ont sympathisé et Pavlovich a été engagée pour l'aider à garder leur enfant de 5 ans. Pavlovich explique que la première fois qu'elle a rencontré Gaiman, dans le cadre de son travail de nourrice, il lui a offert un bain dans son jardin. Il l'a rapidement rejointe dans la baignoire, nu, lui a demandé de s'asseoir sur ses genoux et c'est là qu'il l'a agressée sexuellement.

"Il a mis ses doigts directement dans mon cul, puis a essayé d'y introduire son pénis, raconte-t-elle. J'ai dit 'non, non'. Alors il a essayé de le frotter entre mes seins, et j'ai redit 'non'. Il m'a ensuite demandé s'il pouvait jouir sur mon visage, j'ai refusé, mais il l'a fait quand même. Il me demandait : 'Appelle-moi 'maître' et je jouirai.' Il m'a dit : 'Sois une bonne fille. Tu es une bonne petite fille.'"
 

La jeune femme détaille que ce type de relations s'est poursuivie durant toute sa période où elle travaillait pour la famille en tant que nounou, laissant entendre qu'elle se sentait "coincée" dans cette situation, n'ayant pas assez d'argent de côté pour louer un appartement. On sent dans sa déposition un rapport de domination envers ses employeurs. Elle relate par exemple avoir eu des relations sexuelles anales douloureuses, qu'elle n'aurait pas apprécié, en utilisant du beurre comme lubrifiant.
 

"A la fin, il l'a appelée 'esclave' et lui a ordonné de 'le nettoyer', rapporte l'article. Elle a protesté en disant que ce n'était pas hygiénique. Il lui a dit : 'Tu défies ton maître ?'

"J'ai dû lécher ma propre merde", conclut-elle.

 

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Lors de la diffusion du podcast, à l'été 2024, Neil Gaiman avait nié "toute agression", parlant de relation BDSM consenties. Ses représentants avaient réagi en expliquant que "la dégradation sexuelle, le bondage, la domination, le sadisme et le masochisme ne sont peut-être pas du goût de tout le monde, mais entre adultes consentants, le BDSM est légal." L'article du New York Magazine revient justement sur les limites du consentement dans cette affaire, considérant que ces femmes n'étaient pas pleinement partantes pour ce genre de relations, en l'absence de "safe word" et de discussion préalable pour se mettre d'accord sur lesdites pratiques.

"Toutes les accusatrices ont, à un moment donné, joué le jeu en l'appelant 'maître' comme il le souhaitait et en continuant à communiquer avec lui, lit-on au sein du papier. Mais ces femmes affirment que le consentement et les activités BDSM spécifiques n'ont pas fait l'objet d'une discussion et d'un accord avant qu'elles n'aient lieu."

Pavlovich raconte un autre incident vécu comme une agression. Séjournant dans un hôtel avec Neil Gaiman et son fils dans un hôtel d'Auckland, il a demandé à Pavlovich de surveiller l'enfant pendant qu'il se faisait masser, puis il a imposé à la jeune femme des relations sexuelles, alors que son fils était dans la chambre. Il pouvait ainsi continuer à parler au garçon pendant l'acte. "Qu'est-ce que tu fais, putain ?", lui aurait-elle lancé, racontant avoir été "en état de choc" pendant l'acte.

Gaiman nie catégoriquement les faits, qualifiant cette anecdote de l'hôtel "fausse, pour ne pas dire déplorable". La partie de l'article consacrée à Scarlett Pavlovich relate qu'elle est restée en contact avec Gaiman par la suite, l'assurant même à un moment donné que leurs interactions avaient été "consensuelles." Elle aurait accepté de signer un accord de confidentialité, et selon NY Mag, elle aurait touché un total de 9 200 dollars, en neuf versements distincts. Elle a adressé sa plainte à la police de l'Etat en janvier 2023, qualifiant ces actes d'agression sexuelle, mais "l'affaire est désormais close", a réagit un porte-parole de la police au média.

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Actua litté.com

Parmi les autres faits détaillés dans l'article, il y a l'expérience de Caroline, qui ne veut pas être citée sous son vrai nom. Elle aussi a signé un accord de confidentialité après son expérience avec Gaiman. Travaillant comme gardienne et parfois comme baby-sitter dans la propriété de Gaiman à Woodstock, dans l'État de New York, elle dit avoir entamé une relation physique avec le créateur de Sandman après que son mari l'a quittée en décembre 2017. Un soir, elle s'est endormie en lisant des histoires à l'enfant dans le lit de Gaiman. Lorsque celui-ci est entré dans la pièce, "il s'est mis au lit avec son fils au milieu, puis a tendu la main au dessus de l'enfant pour attraper celle de Caroline et la mettre sur son pénis", détaille le papier. La jeune femme dit qu'elle a sauté du lit. "Il n'avait pas de limites, déclare Caroline au NY Mag. Je me souviens avoir pensé que quelque chose n'allait vraiment pas chez lui."

En décembre 2021, Caroline précise que le directeur commercial de Gaiman lui a proposé 5 000 dollars pour signer un accord de confidentialité et quitter la propriété. Elle a demandé une somme beaucoup plus élevée - 300 000 dollars - que Gaiman a acceptée. Ses représentants assurent au magazine "Caroline a initié les rencontres sexuelles" tout en "niant qu'il se soit livré à une activité sexuelle avec elle en présence de son fils."

Une autre accusatrice est Kendra Stout, qui avait 18 ans lorsqu'elle a rencontré Gaiman pour la première fois au cours d'une séance de dédicaces en Floride. Leur relation est devenue physique trois ans plus tard et, en 2007, elle affirme qu'il l'a violée lors d'un voyage dans la campagne de Cornouailles après qu'elle lui a dit "non" à plusieurs reprises parce qu'elle souffrait d'une infection urinaire. Elle a déposé une plainte auprès de la police en octobre dernier, selon le NY Mag.

Katherine Kendall, qui avait 22 ans lorsqu'elle a rencontré Gaiman pour la première fois en 2012, s'est elle aussi exprimée, affirmant que Gaiman a tenté de l'agresser dans son bus de tournée, alors qu'elle lui avait dit qu'elle ne voulait pas avoir de relations sexuelles avec lui. Le New York Magazine rapporte que plusieurs années après, il lui a donné 60 000 dollars pour une thérapie afin - comme il l'a dit dans un appel téléphonique enregistré - de "réparer les dégâts."

L'article évoque aussi plus généralement la "trahison" de Neil Gaiman, qui, "depuis des décennies, se décrit comme un écrivain féministe. C'est quelqu'un qui s'adresse spécifiquement aux femmes, qui les voit et avec qui elles se sentent en sécurité." A ce propos, l'article a également fait ressortir un échange avec son ex-femme sur X, au cours duquel il se présentait comme un défenseur de #MeToo. Elle le félicitait alors pour son engagement auprès des femmes :

Neil Gaiman a réagi sur son blog suite à la parution de l'article. Au sein d'un long message, il nie une nouvelle fois les agressions, tout en reconnaissant son égoisme dans ses relations avec les jeunes femems qui l'accusent aujourd'hui. Voici un extrait: En lisant ce dernier recueil de récits, il y a des moments que je reconnais à moitié et d'autres que je ne reconnais pas, des descriptions de choses qui se sont produites à côté de choses qui, de toute évidence, ne se sont pas produites. Je suis loin d'être une personne parfaite, mais je n'ai jamais eu d'activité sexuelle non consensuelle avec qui que ce soit. Jamais. « J'ai relu les messages que j'ai échangés avec les femmes autour et après les occasions qui ont été rapportées par la suite comme étant abusives. Ces messages se lisent aujourd'hui comme ils se lisaient au moment où je les ai reçus - deux personnes ayant des relations sexuelles tout à fait consensuelles et souhaitant se revoir. À l'époque où je vivais ces relations, elles semblaient positives et heureuses de part et d'autre. Je me rends également compte, en les parcourant des années plus tard, que j'aurais pu et dû faire beaucoup mieux. J'étais émotionnellement indisponible tout en étant sexuellement disponible, je me concentrais sur moi-même et je n'étais pas aussi réfléchi que j'aurais pu ou dû l'être. Manifestement, je en tenais pas compte du cœur et des sentiments des gens, et c'est quelque chose que je regrette vraiment, profondément. C'était égoïste de ma part. J'étais pris dans ma propre histoire et j'ai ignoré celle des autres. »

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— Mer (@theremina.bsky.social) 14 janvier 2025 à 08:39

Neil Gaiman a réagi sur son blog suite à la parution de l'article. Au sein d'un long message, il nie une nouvelle fois les agressions, tout en reconnaissant son égoïsme dans ses relations avec les jeunes femmes qui l'accusent aujourd'hui. Voici un extrait :

"En lisant ce dernier recueil de récits, il y a des moments que je reconnais à moitié et d'autres que je ne reconnais pas, des descriptions de choses qui se sont produites à côté de choses qui, de toute évidence, ne se sont pas produites. Je suis loin d'être une personne parfaite, mais je n'ai jamais eu d'activité sexuelle non consensuelle avec qui que ce soit. Jamais.

J'ai relu les messages que j'ai échangés avec les femmes autour et après les occasions qui ont été rapportées par la suite comme étant abusives. Ces messages se lisent aujourd'hui comme ils se lisaient au moment où je les ai reçus - deux personnes ayant des relations sexuelles tout à fait consensuelles et souhaitant se revoir. À l'époque où je vivais ces relations, elles semblaient positives et heureuses de part et d'autre.

Je me rends également compte, en les parcourant des années plus tard, que j'aurais pu et dû faire beaucoup mieux. J'étais émotionnellement indisponible tout en étant sexuellement disponible, je me concentrais sur moi-même et je n'étais pas aussi réfléchi que j'aurais pu ou dû l'être. Manifestement, je en tenais pas compte du cœur et des sentiments des gens, et c'est quelque chose que je regrette vraiment, profondément. C'était égoïste de ma part. J'étais pris dans ma propre histoire et j'ai ignoré celle des autres."

 

Variety a enfin relayé ces plaintes tout en rappelant qu'elles auront un impact sur la carrière de l'écrivain, dont le travail est régulièrement adapté au cinéma et à la télévision. La saison 3 de Good Omens sur Prime Video se terminera par un épisode de 90 minutes, sans que Gaiman ne participe à la production. Disney a interrompu la production de son adaptation cinématographique de The Graveyard Book, et Netflix a annulé Dead Boy Detectives – cette décision est-elle liée directement aux allégations ou plutôt aux mauvais scores de la série sur la plateforme ? La question se pose d'autant plus que la saison 2 de Sandman est toujours prévue pour cette année sur Netflix. Anansi Boys devrait également être diffusée sur Prime Video dans les mois qui viennent.

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