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"Michael et moi avons toujours voulu que ce clip soit vu au cinéma"

A Venise, John Landis a un emploi du temps de ministre. Président du jury de la toute première compétition internationale de films en réalité virtuelle, il a aussi apporté dans ses bagages une version restaurée de son classique Série noire pour une nuit blanche et surtout, surtout, une copie flambant neuve, et en 3D s’il vous plaît, de Thriller, le clip qu’il a tourné pour Michael Jackson en 1983. La projection réservée à la presse n’était peut-être pas pleine à craquer mais, manifestement, tous les gens dans la salle étaient là pour célébrer la mémoire du King of Pop. Heureux, impatients, des fourmis dans les jambes. Cause this is thriller ! Les chorégraphies zombies en relief, les spectateurs qui tapent du pied et remuent les fesses, la ligne de basse monstrueuse et le rire d’outre-tombe de Vincent Price à plein volume : oui, le clip le plus iconique de l’histoire "délivre" toujours autant, 34 ans après sa création.

Thriller 3D était suivi d’un making-of d’époque, d’une durée de 45 minutes (soit trois fois plus long que le clip lui-même), diffusé en 1983 sur Showtime et MTV, et pas commercialisé depuis 1990, date de la fin de la production de la VHS du clip (mais qu’on trouve bien sûr sur YouTube, hein). Un autre moment magique. On y voit plein images d’archives démentes, Michael Jackson et John Landis au travail, puis donnant des interviews en déconnant, l’excitation qui régnait dans les coulisses, l’élaboration minutieuse de chaque pas de danse, la mini-émeute que déclenche l’équipe en débarquant dans un quartier latino de L.A., le maquilleur légendaire Rick Baker en train d’accomplir des prouesses, travaillant main dans la main avec un Michael Jackson investi, serein, adorable, souriant, saisi ici au sommet de sa gloire, de sa jeunesse et de son génie. John Landis a ensuite pris une demi-heure de son temps pour parler à la presse, accompagné par l’avocat du chanteur mutant, histoire de bien signifier que la hache de guerre entre lui et le Michael Jackson Estate était enterrée (les royalties de Thriller ont été l’objet d’une longue bataille juridique). Extraits :

"Thriller, j’en suis très fier. Michael et moi avons toujours eu envie que les gens le voient dans un cinéma. On m’a donné accès au négatif, j’ai pu nettoyer le film, l’améliorer, le convertir en 3D. On a fait ça image par image, c’est un processus fascinant. Ce n’était pas un film pensé pour la 3D, on ne vous balance pas des trucs au visage, mais il y a certaines séquences qui sortent grandies de la conversion, notamment la scène de danse, qui est encore plus incroyable comme ça ! On va pouvoir le montrer aux gens tels qu’ils devraient le voir, c’est autre chose que de le regarder sur YouTube. La musique a été remixée, avec la technologie Atmos, qui est le nec plus ultra, et putain, c’est hallucinant ! Ma seule déception, c’est que Michael ne soit pas là pour voir ça, parce que je sais qu’il aurait adoré."

"Michael m’avait contacté à l’époque car il adorait Le Loup-Garou de Londres, il était notamment très impressionné par le travail de Rick Baker. Il voulait se transformer en monstre à l’écran. C’était ça, Thriller : un caprice de Michael, une pure vanity video. Ça ne répondait à aucune logique commerciale, aucun business plan. Parce que quand Michael m’a appelé, Thriller était déjà l’album le plus vendu de tous les temps. Ils avaient fait deux clips, Billie Jean et Beat It, remarquables, qui avaient été des cartons, il n’y avait aucune nécessité d’en faire un troisième. La maison de disques lui disait : "On a déjà vendu plus de disques que toute la concurrence, faisons plutôt un autre album". Mais non, Michael voulait se transformer en monstre… Je lui ai proposé de faire un court-métrage de cinéma (a theatrical short) plutôt qu’un clip. Il a adoré l’idée."

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"Michael avait 24 ans au moment du tournage, mais comme je ne lui avais pas demandé son âge, j’étais persuadé qu’il en avait 18. Il bossait comme un fou, c’était déjà un vieux professionnel, il faisait ça depuis son plus jeune âge. C’était spectaculaire de le regarder travailler. Mais il était aussi joyeux, enfantin. Après Thriller, il venait tout le temps traîner à la maison, parce que moi aussi j’aimais bien regarder des cartoons, Chuck Jones, Tex Avery, des vieux films… Une nuit, vers 3h30 du matin, ma femme m’a dit : « John, je comprends bien que la personne assise en ce moment dans la bibliothèque est l’homme le plus célèbre de la planète mais… il faut qu’il rentre chez lui maintenant !!!"

"Mon espoir à l’époque, c’était que Thriller relance la mode des courts-métrages. Le film a été montré au cinéma pendant trois semaines, et c’était la folie, toutes les séances étaient complètes. Quand la maison de disques a vu la réaction des gens, ils se sont dit qu’il fallait absolument le diffuser à la télé. Moi, j’étais déçu, parce que ça contrecarrait mes plans, mais de leur point de vue, c’était bien sûr la meilleure chose à faire : les ventes du disque sont reparties de plus belle !"

"Pour que la séance ne dure pas que 15 minutes, on propose également ce documentaire, The Making of Thriller. Au début, pour rigoler, je l’appelais le Making of Filler (le making of remplissage) ! Il a fallu le restaurer un peu aussi pour qu’il soit présentable. Je l’avais complètement oublié, mais c’est vraiment un document génial. C’est très complet sur la fabrication du clip – vous me direz, c’est la moindre des choses – mais il y aussi tous ces moments incroyables, les Jackson 5 au Ed Sullivan Show, le clip de Can You Feel It et ses effets visuels extraordinaires, des home-movies que la mère de Michael avait retrouvés dans un placard. Et puis surtout on voit Michael heureux, tel qu’il était à l’époque. Ça permet d’oublier le reste, toutes ces histoires de Wacko Jacko. C’est une célébration."

Pendant la conférence de presse, un journaliste a également demandé à John Landis ce qu’il pensait de la nostalgie pour les 80’s qui s’empare aujourd’hui de l’industrie hollywoodienne, le phénomène Stranger Things (qui a utilisé Thriller dans le trailer de sa saison 2), tout ça... Sa réponse, en guise de chute : « La nostalgie pour les 80’s ? J’ignorais qu’une telle chose existait. »