Ce remarquable polar signé Jacques Deray est à l’honneur ce soir de « Place au cinéma » sur France 5, présenté par Dominique Besnehard
Un script doctor nommé Claude Sautet
L’argument est ici classique – l’histoire d’un casse raté suite à la trahison d’un des cinq gangsters complices qui le fomentaient – mais le traitement redoutablement efficace, sur la forme par sa mise en scène épurée et sans esbrouffe comme sur le fond par la mécanique implacable de son scénario. En cette année 1963, Jacques Deray, le futur réalisateur de La Piscine et Borsalino a déjà deux films à son actif : Le Gigolo avec Jean- Claude Brialy et Du rififi à Tokyo qu’il vient tout juste de terminer au Japon. Il décide alors d’enchaîner sans attendre en adaptant Les Mystifiés, un roman d’Alain Reynaud- Fourton paru un an plus tôt dans la collection Série Noire. Pour l’écrire, Deray s’associe avec José Giovanni mais aussi et surtout avec le script doctor que tout le cinéma français s’arrache alors. Un certain Claude Sautet. En parallèle des deux longs métrages qu’il a réalisés (Bonjour sourire en 1955 et Classe tous risques en 1960), Maurice Labro et Georges Franju ont déjà fait appel à sa plume pour Le Fauve est lâché et Les Yeux sans visage avant que Marcel Ophuls (Peau de banane), Gilles Grangier (L’Âge ingrat, Maigret voit rouge), Jean Becker (Echappement libre), Jean- Paul Le Chanois (Monsieur), Jean- Paul Rappeneau (La Vie de château, Les Mariés de l’an II), Alain Cavalier (Mise à sac, La Chamade) ou encore Philippe de Broca (Le Diable par la queue) ne collaborent avec lui. Dans Symphonie pour un massacre, le trio Deray- Giovanni- Sautet va prendre le parti de s’éloigner de la tradition du polar à la française qui a pour habitude de laisser énormément de place aux dialogues (avec comme fer de lance, la verve d’un Michel Audiard). Ici, sobriété voire austérité assumée sont de mise. Et permettent cette atmosphère glaçante dans laquelle évoluent Charles Vanel, Jean Rochefort ou encore Michèle Mercier, un an avant qu’elle ne devienne Angélique, Marquise des anges. Claude Sautet retrouvera Jacques Deray sept ans plus tard pour Borsalino et collaborera de nouveau avec José Giovanni pour son film Mon ami le traître en 1988.
Le seul grand rôle de José Giovanni
José Giovanni a eu mille vies. Une vie de voyou où il échappera de peu à la condamnation à mort avant d’être libéré au bout de 11 ans d’incarcération. Une vie d’écrivain entamée en 1957 avec un premier roman, Le Trou. Une vie de scénariste débutée en 62 avec Alex Joffé pour Du rififi chez les femmes. Une vie de réalisateur avec une quinzaine de films à la clé, de La Loi du survivant en 1967 à Mon père, il m’a sauvé la vie, en 2001 avec Bruno Cremer. Mais avec Symphonie pour un tueur qu’il a co- écrit, Jacques Deray lui a aussi permis d’ajouter une nouvelle corde à son arc. Celle de comédien puisqu’il fait donc partie de cette bande des cinq avec Charles Vanel, Jean Rochefort, Michel Auclair et Claude Dauphin. Ce sera son seul vrai grand rôle sur grand écrab mais il reviendra devant la caméra en 2002 dans La Repentie de Laetitia Masson en père du personnage campé par Isabelle Adjani.
Un titre clin d’oeil
Ce troisième long métrage de Jacques Deray aurait dû s’appeler Les Mystifiés, du nom du roman dont il est adapté. Mais le succès quelques mois avant sa sortie de Mélodie en sous- sol d’Henri Verneuil a poussé son distributeur à le changer et d’en choisir un nouveau avec une consonnance musicale. C’est ainsi que Les Mystifiés est devenu Symphonie pour un massacre. Et si ses résultats en salles resteront loin des 3,5 millions de spectateurs réunis par Mélodie en sous- sol, Symphonie pour un massacre fera cependant mieux que Rififi à Tokyo avec 856 901 entrées.
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