Anurag Kashyap signe un film de serial killer labyrinthique et obsédant, qui confirme les promesses romanesques de Gangs of Wasseypur.
C’est l’histoire d’un SDF qui tue un peu au hasard dans le Bombay populaire à coups de démonte-pneu. C’est l’histoire d’un flic beau gosse, corrompu et bling-bling, qui sniffe sa coke sur l’écran de son iPhone. C’est l’histoire de leur rencontre, prenant la forme d’un film de serial killer labyrinthique, évoquant davantage Memories of Murder et Zodiac que Le Silence des agneaux ou Seven. Anurag Kashyap, déjà auteur du monumental Gangs of Wasseypur (5 h 20 de vengeances mafieuses dans les mines de charbon indiennes), a choisi le romanesque en chapitrant son film comme un feuilleton et en cultivant l’ellipse et l’épaisseur narrative. Suivre le fil d’Ariane de Mumbai Murders, c’est pénétrer dans un inframonde dantesque d’une violence physique et psychologique parfois insoutenable, jamais gratuite, jusqu’au dénouement d’une noirceur et d’une ambiguïté remarquables. Car ce qui fascine Kashyap, ce n’est pas de nous jeter des seaux d’hémoglobine au visage, mais bien d’explorer la dialectique entre le meurtre et sa mythologie (le protagoniste est fasciné par le tueur en série indien Raman Raghav, quarante victimes au compteur). Déterrer les racines du mal : du travail de biologiste, en somme. Nawazuddin Siddiqui (déjà dans Gangs of Wasseypur) compose un personnage fascinant, avec sa chemise à carreaux sale, son outil de travail terrifiant, sa cicatrice qui lui barre le visage et achève de le transformer en Caïn. Le film ressemble à un cauchemar saisi dans ce moment entre le sommeil et le réveil complet. Inoubliable.
The Mumbai murders, en salles le 21 novembre 2018
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