Ce classique de Herman Melville, adapté par John Huston, aurait dû apparaître dans le film de Steven Spielberg.
Achab, capitaine d'un baleinier, n'a pas oublié sa première rencontre avec Moby Dick. Son corps en porte les traces, son esprit aussi d'ailleurs. Il n'a qu'une idée, retrouver la baleine blanche. Cet acharnement passionné va mettre en péril son équipage.
Arte diffusera ce soir un film d'aventure classique : Moby Dick, de John Huston. Une œuvre restée célèbre pour sa production compliquée, puis pour son influence importante sur une autre référence du 7e art : Les Dents de la mer, de Steven Spielberg.
En 1956, le réalisateur du Faucon Maltais et de L'Odyssée de l'African Queen sort enfin son adaptation du livre de Herman Melville, qu'il rêvait de porter à l'écran depuis plusieurs années. Il aurait aimé offrir le rôle du Capitaine Achab à son père, l'acteur Walter Huston (qui avait reçu l'Oscar du meilleur second rôle pour l'un de ses films précédents, Le Trésor de la Sierra Madre), mais celui-ci est décédé au tout début de cette décennie. Il a alors fait appel à Gregory Peck, populaire auprès du public pour Jours de gloire ou Duel au soleil. Le film est également célèbre pour la participation d'Orson Welles en Père Mapple, avant que le réalisateur de Citizen Kane n'adapte à son tour cette œuvre phare de la littérature anglophone, mais sur scène. Des années plus tard, Peck tiendra à son tour ce rôle d'homme de foi dans une mini-série portée par Patrick Stewart en chasseur de baleine.
Pour compléter cette diffusion, Arte propose aussi un documentaire sur la résonnance de Moby Dick sur la société américaine actuelle :
Pour adapter le roman fleuve de Melville, John Huston a collaboré avec Ray Bradbury, l'auteur de Fahrenheit 451 et des Chroniques martiennes. Il a choisi comme décors un port d'Irlande et des cotes espagnoles pour tourner son film, mais a essuyé plusieurs revers : la baleine fabriquée en animatronique était difficile à manoeuvrer, et elle a coulé au cours d'une nuit de tempête. L'équipe s'est alors rabattue sur des maquettes plus petites, filmées dans des bassins artificiels, ainsi que sur une tête de baleine fabriquée à taille réelle, avec des yeux amovibles.
Après plusieurs pluies torrentielles causant des retards, une reconstitution importante de décors du XIXe siècle et un casting plus gros que prévu de seconds rôles, le film a finalement coûté le double de son budget initial : 4,4 millions de dollars de l'époque contre 2 millions avancés par Moulin Productions (soit environ 50 millions en monnaie ajustée). Ce qui a causé la faillite de cette firme, qui a revendu Moby Dick a United Artists, studio qui a à son tour passé un accord de distribution avec la Warner Bros, avant que la MGM n'en récupère les droits en 1981.
Ce tournage difficile fut en plus marqué par une incompréhension entre le réalisateur et sa star, Gregory Peck avouant à la fin des années 1990 qu'il avait préféré la version télé de Moby Dick, parce que celle de Huston manquait selon lui de "souffle de l'aventure".
Photos de Moby Dick, la mini-série produite par Francis Ford Coppola (1998).
L'influence de cette adaptation n'en est pas moins indéniable : sans Moby Dick, y aurait-il eu Les Dents de la mer ? Steven Spielberg a officiellement adapté un autre ouvrage, publié par le journaliste Peter Benchley au début de la décennie 1970 pour ce film, mais il raconte dans les bonus DVD qu'il souhaitait au départ rendre hommage à cette version. Il aurait aimé introduire le personnage de Quint, le chasseur de requins incarné par Robert Shaw, en le montrant en train de regarder le Moby Dick de 1956 et d'y relever quelques incohérences. Gregory Peck refusa cependant que son image soit réutilisée dans le film, expliquant qu'il avait été déçu par cette expérience, et par sa propre performance.
Ironie du sort, pour promouvoir la ressortie de Moby Dick en vidéo, en 1976, soit un an après le carton phénoménal des Dents de la mer au box-office, United Artists a justement joué sur le lien entre ces deux films. Sur sa nouvelle affiche, conçue spécialement pour l'occasion, on peut ainsi lire en anglais : "Before the Shark, there was the Whale" ("avant le requin, il y a eu la baleine"), clin d'oeil appuyé au "monstre" des mers qui a terrorisé des millions de spectateurs en salles en 1975. Sans compter que Steven Spielberg a lui aussi galéré à faire fonctionner son propre animatronique de créature aquatique, ce qui l'a poussé à davantage la suggérer, moins la montrer que ce qui était prévu au départ. Et cela a finalement contribué à effrayer le public.
Steven Spielberg regrette que les requins soient décimés depuis Les Dents de la mer
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