TMC poursuit la diffusion de la saga des Wachowski, ce soir.
Alors qu’ils étaient les deux blockbusters les plus attendus de 2003, Matrix Reloaded et Revolutions se sont pris un énorme bashing faisant apparaître la force de frappe ahurissante d’internet. Il allait désormais falloir composer avec ça.
Par Romain Thoral
Naviguant dans des eaux troubles et agitées, aux côtés d’Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, des Bronzés, amis pour la vie ou des Derniers Jedi, Matrix Reloaded et Revolutions font désormais office de navires égarés qu’on imagine mal arriver un jour à bon port. Voilà des films qui ont généré dès leur annonce un degré d’excitation gigantesque qui fut à peu près égal au mépris que le public leur offrit au moment de leur sortie. Pas des bides, bien pire que ça : des œuvres que tout le monde voudrait oublier. Depuis, pas question pour quiconque de revenir sur ses positions d’antan. Leur réputation est désormais scellée, la réhab ne sera pas pour demain.
Avec sa rave party collé-serré dans les bas-fonds de Zion jusqu’au monologue cryptique de l’Architecte, apportant in fine plus de questions que de réponses aux mystères de la saga, Matrix Reloaded, sorti en mai, aura cristallisé un mélange de moquerie et de haine stupéfiante, devenant le punching-ball officiel de la saison. Un sentiment de colère qui se propagea à vitesse grand V dans l’air du temps. A-t-on revu ça depuis ? Dix-huit ans plus tard, on finit même par se demander si tout ce raffut n’était pas vaguement désiré par des auteurs qui deviendront par la suite des as de la kamikazerie à 100 millions de dollars. Le beaucoup plus sage Matrix Revolutions, calé au mois de novembre, devint le non-événement absolu de l’hiver. Depuis la mise en branle des deux projets, les chefs de la Warner s’amusaient à prophétiser que 2003 serait « l’année Matrix » et, en un sens, ils avaient raison : jamais la cote d’amour pour le premier volet ne fut aussi palpable.
Lambert Wilson : "Pour moi, Matrix est un film d’auteur subversif"Culture de la haine
2003 est aussi le moment où l’internet illimité et l’adsl deviennent soudainement accessibles au grand public. Désormais, on ne compte plus ses heures à zoner dans la Matrice. Les forums ne sont plus réservés à des technophiles obsessionnels, mais attirent un public bien plus varié et autrement plus bruyant. À la frontière entre le royaume geek et le grand public, la saga Matrix cristallise toute l’attention d’internet, beaucoup plus que tous les autres hits potentiels de l’année en tout cas (Le Monde de Nemo, Pirates des Caraïbes et Le Retour du roi). En orchestrant une promo basée sur le mystère absolu et des jeux de piste marketing, les Wachowski s’amusent alors à titiller une audience web qui n’attend que ça. Celle-ci va s’épuiser pendant des mois dans un flot ininterrompu d’hypothèses avant de passer soigneusement Reloaded à la broche dès qu’il débarque en salle. Matrix fait alors apparaître un phénomène sociétal massif : les haters. Le succès du premier film était avant tout la rencontre d’une œuvre avec son époque. L’échec des deux volets suivants relève du même principe. Deux ans plus tôt ou plus tard, le contre-coup n’aurait pas été le même : c’est l’air du temps et les nouveaux outils mis à disposition qui ont façonné la réputation désastreuse des derniers volets. À leur corps défendant (quoique?), les Wachowski faisaient émerger des tréfonds du virtuel une culture de la haine, toujours en vigueur, qui allait devenir l’épouvantail officiel de la pop culture. Pour le meilleur comme pour le pire, elles restent d’incroyables visionnaires.
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