Dimanche soir à la télé et en replay jusqu’au 6 juin.
William Friedkin n’en finit plus d’imprimer sa propre légende. Cinéaste superstar des 70’s, tricard dans les 80’s et les 90’s, revenu au top grâce à un doublé féroce (Bug et Killer Joe), il a consacré ces dernières années à restaurer en HD quelques-uns de ses plus beaux coups d’éclat (Sorcerer, Cruising, Police Fédérale Los Angeles) et à raconter sa vie, d’abord dans une autobiographie savoureuse (Friedkin Connection), puis dans des master-classes ou sur les scènes des festivals qui lui déroulent le tapis rouge, de Venise à Lyon en passant par Sitges. Friedkin Uncut, documentaire réalisé par l’Italien Francesco Zippel (et présenté à la Mostra en 2018), participe de cet enthousiasme retrouvé pour l’auteur de French Connection et L’Exorciste, qui, à 85 ans et après une carrière passée à flirter avec le danger, l’a franchement mérité.
Sorcerer : l'histoire d'une oeuvre folle et de son incroyable réévaluationLes faits d’armes de Friedkin, le fan-club les connaît par cœur : la jeunesse à Chicago à bouffer de la vache enragée, le documentaire The People vs. Paul Crump, qu’il réalise à 27 ans et qui sauvera un homme du couloir de la mort, les hits seventies qui l’imposent en maverick radical, fasciné par le Mal, la folie furieuse de l’aventure Sorcerer, film génial qui fit dérailler sa carrière… Friedkin Uncut déroule son programme laudatif sans réelle surprise ni info fracassante, fait l’impasse sur les titres les moins connus ou les moins prestigieux de sa filmo (pas un mot sur Les Garçons de la bande, Le Sang du châtiment ou Blue Chips, son film de basket avec Shaquille O’Neal) mais se révèle néanmoins surexcitant à regarder, pour au moins trois raisons : d’abord, son casting de guest-stars, un aréopage impressionnant qui mêle comédiens, tous très emballés ou amusés quand ils parlent du grand homme (Ellen Burstyn, Matthew McConaughey, Willem Dafoe, William Petersen, Juno Temple…) et confrères admiratifs, toutes générations confondues (de Francis Ford Coppola à Damien Chazelle, en passant par Dario Argento, Walter Hill, Wes Anderson, Quentin Tarantino…). Ensuite, les extraits de films, très soigneusement sélectionnés, totalement électrisants, rappelant à quel point Friedkin est un cinéaste de l’électrochoc, de la pure décharge d’adrénaline – chaque image de son œuvre entraperçue ici agit comme un shoot d’énergie pure sur le spectateur. Enfin, il y a Friedkin lui-même, dans son nouveau costume de Monsieur Loyal, déchaîné, un peu bonimenteur, souvent hilare, franchement cabot, faisant preuve d'une vigueur phénoménale, manifestement ravi de pouvoir contempler cette existence passée à danser au bord de l’abîme.
Trois éléments qui font que ce Friedkin Uncut se dévore donc avec un plaisir monstre, d’autant plus que la façon dont Zippel passe d’un sujet à l’autre, par association d’idées, est très fluide, toujours stimulante. On revoit des extraits de la fameuse rencontre entre Friedkin et Fritz Lang, Tarantino raconte des anecdotes géniales sur Cruising, et Samuel Blumenfeld, journaliste au Monde (et auteur d’un livre indispensable sur le tournage de Sorcerer) émet l’hypothèse que Friedkin est le cinéaste qui a à la fois donné le coup d’envoi des années 70 au cinéma, avec French Connection, et les a closes, avec Cruising. Une théorie à méditer devant un énième visionnage d’un classique de "Hurricane Billy". Car, oui, on parie que vous aurez instantanément envie de revoir un de ses films après Friedkin Uncut (mais peut-être pas Blue Chips).
Friedkin Uncut – William Friedkin, cinéaste sans filtre, de Francesco Zippel, sur Arte le dimanche 31 mai à 23h25, et en replay jusqu’au 6 juin.
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