Après son échec en salles, Mike Flanagan revient avec une version XXL de sa vraie/fausse suite de Shining. Cette fois, vous êtes priés de ne pas la rater.
Il y a eu comme un malentendu au moment de la sortie de Doctor Sleep, entretenu par la nature hybride du film : s’agissait-il d’une suite du Shining de Stanley Kubrick ? D’une adaptation du roman de Stephen King ? Du suicide artistique d’un réalisateur ? Du péché d’orgueil d’un artiste voulant se confronter à deux monstres sacrés ? Ou bien d'un blockbuster auteurisant prenant un risque invraisemblable par les temps qui courent ? Le flou s'est en tout cas installé dans la tête des spectateurs, qui ont boudé le très beau long-métrage de Mike Flanagan, laissant Warner Bros. gérer l’un des véritables fours de 2019.
Doctor Sleep revient à la charge aujourd’hui avec une passionnante director’s cut étirée d’une trentaine de minutes, faisant grimper le compteur à trois heures, sans que cette durée ne paraisse jamais artificielle. Le film se focalise sur Danny Torrance devenu adulte (Ewan McGregor, d'une sobriété exemplaire) et alcoolique, gérant comme il peut les événements liés à son enfance. Alors qu'il décide d'arrêter de lever le coude et de reprendre sa vie en main, une jeune fille également dotée du « shining » (Kyliegh Curran) lui demande son aide afin de lutter contre un groupe qui se nourrit de gens comme eux pour conquérir l'immortalité. Autant le dire tout de suite : ce nouveau montage ne fera pas changer d'avis les détracteurs de la version salles. Mais il est fortement conseillé aux autres de (re)découvrir le film dans ce format.
Ewan McGregor : "Doctor Sleep va réconcilier les fans de King et de Kubrick"Film fusion
Désormais découpé en chapitres thématisés, le film respire mieux et gagne en limpidité et en émotion, alors que les trois trames s'entrecroisent plus logiquement, renforçant leur résonance thématique. Plus centré sur ses personnages et leur introspection, Mike Flanagan (The Haunting of Hill House, Jessie, The Mirror) fusionne l'esprit du roman et le visuel du film et réussit à en extraire une matière créative autonome, refusant obstinément de se faire écraser par leur poids. Shining - le roman comme le film - devient un terrain de jeu où le cinéaste distille avec élégance les obsessions (les traumatismes de l'enfance et la transmission familiale) qui irriguent son œuvre depuis le début. On ne note pas de changement radical dans la trame de cette version longue, mais de nombreux dialogues lourds de sens réapparaissent ainsi qu’une très belle scène dans les toilettes rouges et blanches de l'Overlook, où Danny confronte son père.
Fantômes du passé
L'occasion de constater une nouvelle fois que la reconstitution vertigineuse de l'hôtel dépasse la simple citation, le gimmick de fan, pour produire du sens en permanence. Alors que Danny Torrance est littéralement mis face aux fantômes de son passé, toujours à deux doigts de retomber dans l'alcoolisme, le spectateur est, lui, ramené à ses propres souvenirs de la découverte de Shining, qui semble résonner à l'infini dans nos cerveaux. Des échos qui rappellent qu'on cherche encore la sortie du labyrinthe.
Doctor Sleep Director's Cut, disponible en Blu-ray, DVD et VOD.
Commentaires