Un chouette film de boxe dopé par des effets superhéroïques et porté par un duel d’acteurs épatants, mais qui met un peu trop facilement Rocky à l’écart.
"Things just ain't the same for gangstas"… C’est au son de The Watcher de Dr. Dre que démarre -très fort, très bien- Creed III : le son de l’odyssée clandestine du jeune Adonis, parti dans la nuit de L.A. accompagner son pote Damian mener un match de boxe crucial. Une odyssée qui deviendra un drame, qu’Adonis devra solder une fois devenu adulte et champion du monde des poids lourds. Non, les choses ne sont plus pareilles : la saga Rocky s’est définitivement déplacée des rues froides de Philadelphie au labyrinthe de Los Angeles et est devenue la saga Creed. Michael B. Jordan, qui réalise le film, a pleinement accompli la devise de son père de fiction (Apollo) peinte sur le mur de son gymnase : "Construis ton propre héritage". Désormais, Rocky Balboa est complètement hors champ, et ne jouera aucun rôle dans l’intrigue de Creed III -il ne sera cité qu’une seule fois, namedropé comme un second rôle à peine digne d’être référencé dans la litanie des boxeurs de légende du Rockyverse. Il n’aurait pas fallu grand-chose pour exclure plus proprement Stallone de sa propre saga, par exemple en disant qu’il ne répond plus au téléphone ou qu’il est tout simplement passé à autre chose, par exemple profiter de sa retraite et de son fils avec lequel il s’est finalement réconcilié. Ça ne ne tenait vraiment à rien. A une phrase. Ou bien au refrain de la chanson de Dr. Dre : "People I used to know just don't know me no more".
Inélégance ? Oui, un peu, quand même, tout comme la façon dont est traité le personnage de Damian : joué par le toujours épatant Jonathan Majors, la némésis d’Adonis varie au cours du film, assumant toutes les nuances entre le brave type et le machiavélique salopard au gré des twists du scénario, et prenant en fin de compte le parti des riches et des puissants contre les prolos et les vaincus. Creed Vs. Balboa, Creed vainqueur, en somme, et on n’est pas sûrs que ça nous plaise, au fond. Mais tout ceci n’empêche pas de prendre un très grand plaisir de simple spectacteur devant Creed III, où Jordan tente justement de se montrer digne de ses prédécesseurs -autant Ryan Coogler, réalisateur du premier Creed et partenaire inséparable de l’acteur, que de Stallone, quoi qu’on en dise. Car Jordan, déjà excellent en Adonis, en est digne : c’est un très bon film de boxe, tout à fait à la hauteur de ce qu’on pouvait espérer d’un nouveau Creed . Voire même un peu plus : si le cahier des charges est respecté (défaite/training montage/victoire), Jordan injecte quelques idées de mise en scène dignes d'un blockbuster de superhéros, qui passent ou qui cassent, comme d’orchestrer de super ralentis numériques (façon Sherlock Holmes de Guy Ritchie) sur de gros coups de poing, ou bien de faire disparaître le public au plus fort du duel final pour ne laisser, autour des combattants, que les ténèbres. Jordan a pris son job très au sérieux, et ça se sent : Creed III est sûrement le Creed le plus sérieux, le plus intense, le plus appliqué, mais on hésiterait presque à le considérer comme un Rocky. La dynastie est assurée, mais à quel prix ?
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