Cette comédie savoureuse et émouvante sur l’amitié toxique entre deux hommes a séduit le public d’Un Certain Regard ce matin
Sur le papier, ce premier long métrage américain avait tout du parfait petit fayot en cochant deux cases qui rendaient sa sélection cannoise inévitable. Il s’ouvre sur les routes montantes du col de Vence, non loin de Cannes, ce qui en fait une sorte de régional de l’étape. Et ses deux personnages principaux s’emploient à les gravir à vélo, péché mignon du patron de la sélection Thierry Frémaux ! On ne sait à quel hauteur ces deux atouts majeurs ont contribué à la présence de The Climb dans la section Un Certain Regard. Mais le choix se révèle judicieux: un de ces moments de détente sans prétention qui font toujours du bien au cœur d’une sélection cannoise très intense où résonnent en écho tous les malheurs de notre planète
Le réalisateur Michael Angelo Covino (qu'on retrouve aussi devant la caméra avec Kyle Marvin, amis de 10 ans dans la « vraie » vie et épatants comédiens) dit s’être beaucoup inspiré du cinéma français pour ce premier long et cite d’ailleurs à l’écran le trop peu connu Le Grand amour de Pierre Etaix, projeté dans un cinéma. Mais c’est aussi à Woody Allen qu'on pense beaucoup dans cette bromance où humour et sensibilité font bon ménage. Notamment dans ces dialogues bien sentis que s’envoient à la figure ses deux personnages principaux, Mike et Kyle. Deux amis d’enfance unis par un lien sans nuage jusqu’à ce que le premier annonce au second qu’il couche avec sa future fiancée. Cette scène d’ouverture - où les deux personnages escaladent donc en danseuse le col de Vence - donne le ton du film. Avec The Climb, Covino explore les méandres de l’amitié dans un mélange permanent de gravité et d’éclats de rire. Et s’aventure sur des chemins balisés en multipliant joyeusement les sorties de route. Avec la belle idée de montrer la toxicité que peut avoir une amitié trop forte quand l’un essaie de faire le bonheur de l’autre à tout prix, y compris en écartant les femmes avec qui celui- ci veut se mettre en couple au motif qu’elles ne seraient pas assez bien pour lui.
Alors certes le récit souffre ça et là de trous d’air. Mais Covino maîtrise l’art du tragi- comique de situation et sait pimenter ses scènes de dîner familial de saillies bien vachardes contre la future mariée, vue comme l’ennemie. Le tout sans la moindre facilité misogyne mais en donnant à l'inverse une vraie place pleine de nuances à l’élue du cœur de Kyle (Gayle Ranking, géniale), jamais réduite – bien au contraire – au seul rang d’empêcheuse de tourner en rond. Dans une journée riche en sommets (Douleur et gloire, J’ai perdu mon corps, Rocketman….), cette comédie émouvante et sans prétention réussit à trouver sa place.
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