Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.
Le film du jour : Emilia Perez
Le retour de Jacques Audiard sur la Croisette était l'événement du jour à Cannes. Trois ans après être reparti bredouille avec Les Olympiades, le réalisateur d’Un Prophète revient en compétition avec un film au pitch pas banal : l’histoire d’un narcotrafiquant mexicain qui change de sexe pour changer de vie et devenir enfin la femme qu’il a toujours été au fond de lui. Le tout sous la forme d’une comédie musicale, composée par la chanteuse Camille et son compagnon, l'arrangeur Clément Ducol.
Le résultat est aussi déconcertant que sa description. Et sincèrement réjouissant. Sans mauvais jeu de mot, Audiard mixe les genres, entre Annette et Sicario, et alterne les moments de danse, de violence, de larmes et de rires en flirtant habilement avec le ridicule. L’actrice espagnole trans Karla Sofía Gascón, qui incarne Manitas del Monte/Emilia Perez, est la révélation du film. Et Zoe Saldana donne tout dans ce rôle en espagnol qui rappelle qu’il ne faut pas la cantonner aux films Marvel ou en motion capture.
Au-delà de la question du sexe, Emilia Perez raconte l’histoire d’un bouleversement, d’un renversement des valeurs, des choix de vie qui conditionnent l’existence individuelle et collective. Avec en toile de fond un Mexique miné par la corruption et les gangs. Un film d’une grande richesse et d’une grande générosité, qui vient réveiller une compétition jusqu’ici plutôt timorée.
Le revenant du jour : Richard Gere dans Oh, Canada
Que deviens-tu, Richard ? Hier encore tu avais 30 ans. En 1980, tu étais Julian Kay dans American Gigolo où tel un héros d’un roman de Bret Easton Ellis, tu exhibais ton corps musclé et tes costards Armani. 1980 – 2024. Le temps a passé. Pour nous aussi. Paul Schrader te reprend aujourd’hui par le veston et te replace au centre du cadre avec son Oh, Canada. Tu es Leonard Fife, beaucoup moins fringant que Julian Kay forcément. Leonard est un cinéaste respecté qui au seuil de sa vie accepte une introspection filmée. Schrader se regarde un peu à travers toi. On te découvre en gros plan, le visage ravagé par un cancer en phase terminale. Maquillage ad hoc. Paul Schrader te sublime à nouveau mais par la face sombre. Tu avances dans le cadre en fauteuil roulant, tu urines dans une poche en plastique et regardes Jacob Elordi te personnifie jeune. L'insolent ne te ressemble même pas ! Tu n’hésites d’ailleurs pas à prendre sa place dans les flash-backs. Tu peux tout te permettre Richard. Et même si on assiste au dernier soupir de ton personnage, nous savons que tout ça c’est du vent. Avec ce Oh Canada tu pourrais même rafler une mise cannoise et revoir enfin tes cieux s’ouvrir à nouveau. Oh, Richard, reprends ton vol !
La vidéo du jour : le retour de Baby Annette
Leos Carax présentait hier soir C'est pas moi, un essai poétique de 40 minutes parti d’un projet d’exposition du Centre Pompidou qui n’a finalement jamais eu lieu. Son compère Denis Lavant était là, mais aussi Baby Annette, la marionnette de son film en compétition à Cannes en 2021, qui a fait une apparition surprise capturée par les festivaliers.
Leos Carax, Denis Lavant and Baby Annette at the premiere of C’est pas mas #cannes2024 pic.twitter.com/BysS5h8BYL
— Sight and Sound magazine (@SightSoundmag) May 18, 2024
L’interview du jour : Julian McMahon
Julian McMahon, star de Nip/Tuck et Charmed, revient sur grand écran avec le très marrant The Surfer (hors compétition), où il empêche Nicolas Cage d'aller tâter des vagues sur "sa" plage. Rencontre express.
C'est votre premier Cannes, ça fait quoi ?
Venir ici est forcément tout en haut de la liste de chaque acteur débutant. J'ai juste pris quelques décennies à y parvenir (Rires.) C'est forcément vertigineux.
Vous aviez disparu des écrans radars depuis quelques années. Vous étiez où pendant tout ce temps ?
Mais nulle part, je vivais, quoi ! Je voulais prendre le temps d'élever ma fille et c'était plus important que ma carrière. J'ai choisi de prioriser ma famille tout en essayant de quand même trouver du boulot pendant ce temps-là. Et puis ce script est arrivé et j'ai immédiatement eu une vision très claire du personnage.
Un connard, mais hyper cool en même temps.
Je ne dirais pas « connard », parce que je ne sais pas jouer les connards (Rires.). En tout cas, je l'avais parfaitement en tête : sa pilosité faciale, ses cheveux, sa façon de parler... Mais je n'ai pas réellement compris ses motivations avant de l'interpréter sur le plateau.
C'était comment le tournage avec Nicolas Cage ?
Incroyable. On a passé beaucoup de temps à tester des trucs et à se balancer des idées sur la façon dont on pourrait jouer certaines scènes. Nicolas débarque sur un tournage avec une force de vie pas possible. C'est un mec sincèrement généreux : on bosse vraiment ensemble, pas chacun dans son coin comme ça peut arriver parfois.
Aujourd’hui à Cannes
Le gros film du jour en compétition pour la Palme c’est The Substance, le body horror féministe et deuxième film seulement de Coralie Fargeat (le kiffant et bien nommé Revenge en 2017) qui marche sur les traces sanglantes de Titane. The Substance reste encore super mystérieux : une photo où une femme gît nue, une longue cicatrice courant le long de sa colonne vertébrale, n’indique pas grand-chose… Mais on sait que Margaret Qualley et Demi Moore sont de la partie, tout comme Dennis Quaid.
La presse se prépare à Limonov, la ballade, nouveau film de Kirill Serebrennikov, en compétition pour la Palme pour la quatrième fois : adaptation du livre d’Emmanuel Carrère avec Ben Whishaw dans le rôle-titre, celui d’un romancier/aventurier/romancier/agitateur russe quasi mythologique.
On garde nos yeux braqués sur le nouveau film d’animation de Claude Barras (Ma vie de courgette) : Sauvages, conte écolo avec deux gamins et un bébé orang-outan, mais on surveillera aussi L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine (Camille avec Nina Meurisse), micro odyssée d’un sans papiers livreur de repas à vélo dans Paris.
Et, ce soir, grand, très grand spectacle au programme : les trois heures d’Horizon - An American Saga, le premier volet de la saga western épique de Kevin Costner, vont enfin être dévoilées au public.
Cannes 2024 : le guide complet des 22 films en compétition pour la Palme d'Or
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