Skyfall
Eon Productions

"S'il vous plaît, laissez 007 boire ses martinis en paix. Ne le secouez pas, ne le remuez pas", lâche John Logan dans une tribune parue dans le New York Times.

Dans une tribune publiée dans The New York Times, le scénariste américain John Logan a donné son avis bien tranché sur le rachat de la Metro-Goldwyn-Mayer par Amazon. Logan a été nommé aux Oscars à trois reprise pour ses scénarios (Gladiator, Aviator et Hugo Cabret). Il est également co-scénariste de deux James BondSkyfall et SpectreLe fait qu'Amazon possède désormais 50% des aventures de l'espion des services secrets britanniques n'a pas réellement plu à Logan : "Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai eu un frisson." Ce qui dérange le scénariste est le fait qu'à son sens, James Bond a été réduit à une franchise comme les autres, similaire à un Marvel ou un DC.

Pour lui, la saga cinématographique James Bond une "entreprise familiale, soigneusement entretenue et guidée à travers le temps par Barbara Broccoli et son demi-frère Michael Wilson", le duo qui dirige EON Productions depuis 1996. Logan ajoute : "Les séances de travail de Skyfall et Spectre étaient des discussions chaleureuses autour de la table du dîner. [Tout le monde] avait le droit à la parole. Nous avons discuté, débattu et trouvé des solutions, comme le font les familles [...] Quand vous travaillez sur les films de Bond, vous n'êtes pas seulement un employé. Vous faites partie de cette famille."

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Selon Logan, la raison pour laquelle James Bond a toujours autant de succès plus de cinquante ans après sa première adaptation sur grand écran, c'est que la famille "a fait un travail extraordinaire pour protéger le personnage de la production cinématographique et s'est adaptée à l'évolution des goûts du public [...] James Bond perdure car il est protégé par les gens qui l'aiment." Cependant, il est obligé de reconnaître que le rachat de MGM par Amazon garantit à Broccoli et Wilson (qui détiennent toujours 50% de l'empire Bond) un contrôle artistique continu. Mais Logan se demande si ce sera toujours le cas, et si un géant comme Amazon ne pourrait pas tout chambouler s'il désirait changer quelque chose. Le scénariste se montre particulièrement inquiet : "D'après mon expérience, voilà ce qui arrive quand l'on doit se préoccuper de telles questions - questions qui envahissent le processus de création : [...] Le film devient l'ombre inoffensive d'une chose, et non plus la chose elle-même. Il n'y a plus de folie cinématographique. Le feu et la passion s'éteignent petit à petit, car les préoccupations commerciales, la surveillance des entreprises et les données de sondages prennent le dessus sur les idées originales."

Logan rappelle qu'il y a quand même de quoi s'inquiéter car Amazon est une entreprise technologique mondiale "avec une capitalisation boursière de plus de 1 600 milliards de dollars", qui produit comme bon lui semble et est obsédée par "l'expérience client". Leur principal objectif est d'attirer et fidéliser les clients, et quand une grande entreprise comme celle-ci commence à avoir un avis et a son mot à dire sur des films ou personnages, elle a tendance à vouloir plus, et non mieux (comprenez donc favoriser la quantité et non la qualité). Logan donne comme exemple la rapide expansion de Star Wars chez Disney, ou encore Superman et Batman chez Warner Bros.

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Logan poursuit : "En tant que scénariste, j'ai eu l'opportunité de travailler sur plusieurs films produits par de grands studios. Et ceux qui paraissent artistiquement avec un sens, et un caractère unique intacts sont ceux qui sont protégés de l'influence des entreprises [...] c'est dans ces moments-là que les cinéastes travaillent dans un environnement protégé." Il ajoute : "Dans mon cas, les films comme Gladiator, The Aviator, Rango... ont tous été réalisés avec passion et sans que je ne me soucie des [retombées marketing]. [...] Quand on a fait Gladiator, le réalisateur Ridley Scott a du repousser les nombreux opposants [...] qui remettaient tout en question. Mais comme il croyait en l'histoire que nous racontions, il a laissé toutes les préoccupations commerciales et les voix bruyantes des grandes entreprises de côté. [...] Nous avons travaillé avec des producteurs courageux qui ont défendu nos choix. Ils se souciaient plus de l'art que des résultats financiers.

Il est essentiel d'être bien encadré et d'avoir des champions pour diriger, comme Broccoli et Wilson, que le cinéaste considère comme tels. Des producteurs qui ne cèdent pas sous la menace extérieure. C'est pourquoi les James Bond sont originaux et spéciaux. John Logan conclut : "S'il vous plaît, laissez 007 boire ses martinis en paix. Ne le secouez pas, ne le remuez pas."

 

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