Séries et films d’animation japonais pullulent sur la plateforme américaine. Explications.
Si l’on regarde régulièrement les tops et tendances Netflix France, on se rend compte qu’aussi bien en séries (surtout) qu’en films, l’animation japonaise est omniprésente. Un phénomène curieux pour les boomers que nous sommes (enfin, pour celui qui écrit ces lignes), d’autant plus curieux que les animes -les films d’animation japonais- ne sont pas des succès colossaux en salles. Une aberration ? Vraiment ? Pas tant que ça selon Matthieu Pinon, collaborateur historique des magazines AnimeLand et Coyote Mag et auteur de l’ouvrage de référence, Un siècle d’animation japonaise (Ynnis Editions). "Le public-cible mondial de Netflix, ce sont les 25-40 ans CSP+, autrement dit des gens biberonnés à Dragon Ball, Pokémon et aux mangas, bref qui s’y connaissent un peu, voire beaucoup." Autrement dit aussi, des gens informés et prescripteurs qui favorisent le bouche-à-oreille, cet élément volatile à l’origine des succès.
"C’est un public qui, avant l’émergence des plateformes spécialisées comme les françaises Wakanim et ADN ou le géant américain Crunchyroll, était habitué au téléchargement illégal (seul moyen pour eux à l’époque d’avoir accès à des programmes diffusés au Japon) et qui ne va pas en salles car les films proposés sont déjà pour eux de l’histoire ancienne. La force de Netflix est d’anticiper ou de combler les attentes de cette communauté de fans, pas si énorme mais très influente. En achetant la série Jojo’s Bizarre Adventure, diffusée avant avec succès sur ADN, Netflix a par exemple fait fort tout en s’attirant les foudres de la concurrence qui estime que son travail de défrichage est saboté. Crunchyroll n’apprécie pas du tout cette volonté hégémonique tout en produisant désormais des 'Crunchyroll Originals' sur le modèle de Netflix..."
Une stratégie bien rodée
À l’origine de cette vague anime, il y a une intuition de Netflix. "La plateforme s’est tournée vers l’animation japonaise il y a environ quatre ou cinq ans en évaluant son profond ancrage dans la culture pop mondiale", explique Matthieu Pinon. La stratégie est bien connue : Netflix fait des acquisitions de produits existants ou (co)produit -les fameux “Netflix Originals”. "Leur intérêt a fait énormément de bien au secteur, qui est en crise au Japon depuis pas mal d’années. Il manquait notamment de capitaux frais. En en discutant avec un réalisateur, il s’avère cependant que cette manne financière s’effectue sur le long terme, ce n’est pas un apport direct." Netflix voit désormais au-delà du simple aspect purement marketing de la chose et se positionne à l’avant-garde de l’animation. "Sol Levante, l’extraordinaire court métrage co-produit avec les Japonais d’IG, le premier dessin animé en 4K HDR entièrement conçu à la main, c’est l’animation du futur. Une petite révolution à rapprocher de celle incarnée par Toy Story en son temps."
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