La série de Sam Levinson et The Weeknd - à voir sur Prime Video dès aujourd'hui via le pass Warner - rejoue les malheurs éternels des pop stars sur un air trash. A Star is Born revu par Bret Easton Ellis.
Tiens, Michael Douglas ! Honoré en ouverture du festival de Cannes avec une Palme d'or spéciale, la star américaine est de retour dans The Idol, via un plan-citation de Basic Instinct. Dans une scène du premier épisode de la série HBO - à voir partir d'aujourd'hui en France sur Prime Video via le pass Warner - Jocelyn (Lily-Rose Depp), pop star de son état, regarde le sulfureux thriller de 1992 à la télé. La citation a bien sûr valeur de manifeste. Jocelyn serait-elle une descendante des héroïnes de Paul Verhoeven ? On attendra d'avoir vu la totalité des épisodes (seuls les deux premiers, sur six, ont été projetés à Cannes) avant de voir si elle parvient à s'élever à la hauteur de la mythique Catherine Tramell jouée par Sharon Stone. Disons pour l'instant que The Idol, comme Basic Instinct, entend émoustiller ses spectateurs avec ses scènes érotiques aguicheuses, vulgaires et fières de l'être, où le sexe est présenté comme un jeu dangereux, pervers, potentiellement mortel. Et puis, peut-être qu'ils ont choisi Basic Instinct parce que Showgirls était une référence un peu trop évidente…
La Jocelyn de The Idol est en effet la petite sœur de la Nomi jouée par Elizabeth Berkley dans la satire culte de Verhoeven. Une variation sur Britney Spears aussi, et sur toutes les pop stars Kleenex qui ont été utilisées, glorifiées puis recrachées par l'industrie de l'entertainment avant elle. Le jouet d'un business où l'hypersexualisation et la marchandisation des corps est la norme. Une fille douée, paumée, qui ne s'est pas encore remise de la récente mort de sa mère. Au moment où la série commence, Jocelyn doit remonter la pente, revenir au sommet, répéter les chorégraphies de son imminente tournée mondiale, enregistrer un single calibré pour cartonner, tourner un nouveau clip… La série démarre comme un show satirique sur les coulisses du show-biz, quelque part entre The Player et A Star is born, s'amusant à mettre en boîte le petit cirque autour de la star : producteurs cyniques, attachées de presse en surchauffe, managers dépassés, etc. Marrant et efficace, à défaut d'être original.
La seule véritable nouveauté, qui nous dit qu'on est bien en 2023 et pas devant un épisode d'Entourage il y a vingt ans, c'est ce coordinateur d'intimité qui, lors d'une séance de photos sexy, veut empêcher la star de montrer ses seins au photographe et qui va se retrouver enfermé aux toilettes par le manager, afin qu'il ne ralentisse pas le shooting, ni ne réfrène les désirs d'exhibition de Jocelyn.
Aux chiottes, les coordinateurs d'intimité ? C'est à ce genre de message provoc', assez bourrins, censé prendre à rebrousse-poil les nouveaux usages de l'industrie hollywoodienne, que carbure The Idol. La série assume à fond son ambiguïté : elle veut dynamiter un air du temps que ses auteurs jugent manifestement trop puritain, et critiquer en même temps une industrie ayant complètement intériorisé l'imagerie du porno dans la mise en scène de ses idoles – le tout en jouant à fond de cette imagerie.
La rencontre de Jocelyn avec un personnage de propriétaire de club dont on suppose qu'il va se révéler être un dangereux gourou manipulateur (joué par The Weeknd himself) ne tarde pas à donner lieu à des scènes de cul vaguement SM où palpite l'amour de Sam Levinson pour le thriller érotique des années 80-90. Où l'on en revient à Paul Verhoeven, et où l'on se souvient que Levinson a collaboré au scénario du dernier Adrian Lyne, Eaux profondes...
C'est par ailleurs sans doute la création de l'auteur d'Euphoria où l'on ressent le plus l'influence de Bret Easton Ellis – observation mi-fascinée mi-ironique d'une faune friquée et sexy, virées cocaïnées dans les clubs de L.A., menaces "mansoniennes" qui grondent à l'horizon (un personnage compare Jocelyn à Sharon Tate)… Mais, de la même façon qu'on ne juge pas un livre de Bret Easton Ellis à ses cent premières pages, difficile en réalité de savoir sur quoi The Idol va déboucher, au-delà de son barnum tape-à-l'œil, sans doute un peu trop calibré dans ses provocations pour être complètement honnête. Ce qui est honnête, en revanche, c'est la prestation casse-cou de Lily-Rose Depp, de toutes les scènes ou presque, qui apporte des nuances émouvantes à l'archétype rabâché de la poupée hollywoodienne brisée.
The Idol, créée par Sam Levinson, Abel "The Weeknd" Tesfaye et Reza Fahim, réalisée par Sam Levinson. Avec Lily-Rose Depp, Abel Tesfaye, Hank Azaria… Sur le pass Warner de Prime Video, à partir du 5 juin.
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