Matteo Garrone rejoue l’histoire de David et Goliath dans un coin d’Italie délabré. Impressionnant.
Qui est l’"homme-chien" du titre du nouveau film de Matteo Garrone ? Est-ce Marcello, le toiletteur pour canidés, tellement affable et serviable qu’il se met à plat ventre dès qu’on le rosse ou qu’on lui donne un ordre ? Ou serait-ce plutôt Simoncino, la brute épaisse, le molosse qui détruit tout sur son passage et gobe des petits sachets de coke comme un toutou avale ses su-sucres ? Garrone entretient le flou tout au long de cette fable sur la loi du plus fort et la bestialité tapie en chacun de nous (inspirée d’un fait divers ultra-violent qui avait défrayé la chronique italienne à la fin des années 80), mais ne se rengorge jamais face à la polysémie vertigineuse de sa métaphore canine. Dogman est au contraire superbement dégraissé, à l’os, sans un plan ou une idée de trop.
Dogman avait emballé la critique au festival de CannesLa puissance farcesque du film est extraordinaire, en grande partie grâce à la trogne hallucinante de Marcello Fonte (le petit toiletteur), magnifique « visage antique » (comme dit Garrone) faisant ressurgir par son expressivité bouleversante toute une Italie fantasmatique et oubliée. L’autre coup de génie du film, c’est le lieu de l’action, cette station balnéaire en ruines, qui démontre à nouveau le talent « topographique » de l’auteur de Gomorra, et qui tient autant du théâtre antique que du décor de western. Un îlot d’humanité désolée où l’on tourne en rond, sans échappatoire ni horizon, et où s’infiltre un vent glacé échappé des bouquins de Jim Thompson ou des meilleurs Coen. Le souffle des grands films noirs.
Dogman sort le 11 juillet 2018
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