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Admirateur du Amour de Michael Haneke, Gaspar Noé lui avait déjà emprunté son titre – pour Love, en 2015. Il en reprend aujourd’hui le principe (l’étude, à la fois clinique et poétique, des souffrances endurées par deux octogénaires à l’approche de la mort), en le délocalisant sur la rive droite. Le XXème arrondissement parisien, celui des intellos précaires et des crackheads, remplace les beaux quartiers. Et le délabrement de la ville alentour, qu’on perçoit par bribes, fait écho à la lente décrépitude de ce couple formé par un vieux critique de cinéma et une psychiatre retraitée, frappée par Alzheimer. Lui, c’est le réalisateur Dario Argento. Elle, c’est Françoise Lebrun, actrice iconique de La Maman et la Putain. Soit les incarnations de deux familles de cinéma (le cinéma de genre italien d’un côté, la post-Nouvelle Vague française de l’autre), partageant quelques traits communs – la radicalité, la marginalité, le goût de la transgression. L’appartement où ils errent et agonisent est un mausolée de la contre-culture post-68, extraordinaire capharnaüm fait de bouquins, d’affiches, de vieilles VHS, autant d’objets voués à une disparition imminente, comme les souvenirs de leurs propriétaires. Noé filme ces différentes évaporations (physiques, psychiques, mémorielles, historiques), en conférant une puissance émotionnelle exceptionnelle à ses expérimentations sur le split-screen, envisageant la vie de couple comme la coexistence de deux solitudes, parfois complices, mais évoluant surtout en parallèle, chacune de son côté de l’écran.