Toutes les critiques de Rize

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Le photographe David LaChapelle a commencé sa carrière grâce à Andy Warhol, photographié les plus belles femmes pour les plus grands magazines, réalisé de prestigieuses campagnes de pub et de nombreux clips. L'image, il connaît. Mais dans son film Rize, il semble la dissoudre dans une fascination des corps filmés et de leur ascension sociale.
    Dénoncer l'injustice a toujours amené facilement les faveurs du public. Si Rize se révèle être un documentaire sur une forme artistique naissante, la danse krumping, il est aussi le portrait d'un quartier pauvre de Los Angeles, la ville qui connut les émeutes raciales de 1992... Ces deux aspects sont ici indissociables. Parfois la chronique sociale est certes première. A entendre les danseurs dire les malaises, parler de meurtres, de gangs, de bastonnades, on constate qu'ils n'ont pas un discours très éloigné de ce qu'on aurait pensé qu'ils puissent dire : la banlieue de Los Angeles est atroce, et il faut s'en sortir par quelque moyen que ce soit. Voir ce film sortir en France une semaine après le Collision de Paul Haggis est troublant. L'un et l'autre se répondent, participant tous deux d'un discours plus global qui en appelle à la pondération et au réexamen de nos peurs et de nos préjugés. Mais dans le film de Haggis, le propos est plus subtil. A regarder de trop près ces groupes de danse composés de mômes à la dérive, David LaChapelle finit au contraire par verser dans la condescendance. Il nous demande d'admirer ces jeunes banlieusards non parce qu'ils réussissent à élaborer une forme artistique, mais parce qu'ils font autre chose que casser des voitures... Oppression devient le maître mot et bouger son corps, un moyen d'éprouver ses libertés, alors seulement on se penche sur la danse.Afin de le patiner d'une couche de sérieux, LaChapelle n'hésite pas à comparer le krumping aux transes des tribus africaines, appuyant son discours sur des images d'archives. Si le jazz et les claquettes sont nés de la détresse des esclaves dans les champs de coton, le krumping, le hip-hop ou le clowning viennent de celle des banlieusards de la fin du XXe siècle. Toujours regardées sous le prisme de l'expression sociale, cantonnées à leur dimension revendicative, ces danses ne sont pas réellement reconnues comme une expression artistique à part entière. Plus intrigant encore : comparées dans un montage troublant aux transes ancestrales de tribus africaines [sic], elles ne sont considérées qu'en fonction d'un passé où l'Afrique, noire, était peuplée de gens qui avaient le rythme dans le sang...Souvent, le cinéaste met en avant une expression qui ne se justifie que parce qu'elle existe : ce que font ces danseurs est bien parce qu'il le font. « Je me fous de quoi j'ai l'air quand je danse », dit ainsi l'une des protagonistes. Toujours, la forme est dite secondaire. Evidemment, le spectateur saluera cette forme d'expression personnelle qui éloigne les jeunes du mal suprême : la drogue, les gangs, la rue et sa violence. Pourtant ne soyons pas dupe. Le krumping n'est pas le Graal qui distingue les méchants des gentils ! Si les krumpers dénigrent le hip-hop car cette expression artistique serait aujourd'hui vouée à l'argent, on se dit pourtant que tous souhaitent accéder à une aussi grande notoriété... Mais LaChapelle ne prend jamais de distance critique par rapport à ce qu'il montre, il colle trop à son sujet. Il le filme avec photogénie mais n'interroge pas les contradictions qu'il soulève...Très efficaces, dynamiques et énergisantes, quelques séquences de danse forment le portrait du mouvement sur une musique parfaitement synchrone et juste. « Stripper dancers », « krumpers », « clowners » se succèdent et s'affrontent devant un public enthousiaste. Dénué de toute réflexion sociale ou politique, le film se concentre sur les gestes qui parfois ressemblent à ceux d'un combat et rappellent la capoeira… L'évidence éclot alors : il n'y a manifestement pas besoin d'en dire plus, la danse se suffit à elle-même. LaChapelle en est si fasciné qu'il semble avoir oublié de donner une forme à son film.Rize
    Un documentaire de David LaChapelle
    Etats-Unis, 2004
    Durée : 1h24
    Avec Tommy the Clown, Lil C, Miss Prissy…
    Sortie salles France : 21 septembre 2005[Illustrations : Rize. Photos © David LaChapelle]
    - Lire la chronique de Collision (Paul Haggis, 2004)
    - Consultez salles et séances sur le site Allociné.fr