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Ces histoires simples de gens poussés au bord du gouffre par une impitoyable réalité économique ou sociale auraient pu être banales si Fehner ne les avait transformées en véritables actes de résistance face aux diktats et aux discriminations rencontrés chaque jour. Jouant sur les codes du suspense, ce premier film, impressionnant de maîtrise tant dans son écriture que dans sa mise en scène, se révèle à chaque plan comme une admirable tribune militant pour que tous les Laure, Zorah et autres Stéphane se libèrent du joug d'un désespoir de plus en plus ordinaire.
Toutes les critiques de Qu'Un Seul Tienne Et Les Autres Suivront
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Léa Fehner est un boxeur. Dans ce premier long-métrage, elle a déjà la maîtrise de la juste distance. Elle sait entrer dans notre garde. Ou se contenter de suggérer. Son film multipistes nous greffe aux sillons de son histoire.
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Léa Fehner connaît bien son sujet pour avoir travaillé pendant six ans dans une association venant en aide aux familles des détenus de Fleury-Mérogis. Mêlant des histoires réelles à une fiction taillée au cordeau, elle livre une oeuvre sans concession sur les dommages subis par les proches des prisonniers. Reda Kateb (vu dans Un prophète, de Jacques Audiard), Marc Barbé, Vincent Rottiers, Pauline Etienne et Farida Rahouadj se sont mis au diapason du parti pris de sobriété de la réalisatrice. Leur jeu tout en retenue rend d'autant plus sensible le calvaire d'êtres qui ont perdu leur liberté par procuration. Le face-à-face entre la mère et le meurtrier de son fils est exemplaire par sa pudeur et son intensité. Il est emblématique d'un film sincère, qui laisse augurer le meilleur pour la carrière de la jeune cinéaste.
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La profondeur du film de Léa Fehner, par-delà les parfois grosses ficelles du mélodrame et la vallée de larmes, réside précisément dans cette vision de la vie comme crise perpétuelle, perpétuel arrachement.
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A partir d'une réalité presque documentaire, Léa Fehner tisse des liens étroits entre ceux du "dedans" et ceux du "dehors". Filmant au plus près, la cinéaste traque la fêlure, la détermination de personnages qui tentent de rester débout. Ce beau portrait d'une humanité blessée est aussi celui de la dignité retrouvée.
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par Thomas Baurez
On retiendra la fougue de Vincent Rottiers - acteur que nous voyons grandir avec bonheur de film en film - et qui n'a jamais paru aussi bon à l'écran qu'ici, ou la fragilité de Reda Kateb, dont la puissance rentrée à tout de la bombe à retardement.
Léa Fehner signe un premier film très fort, récompensé au dernier Festival de Deauville, dans lequel la prison joue un rôle inattendu : c’est là, où se croisent des prisonniers et des visiteurs pas vraiment libres, que paradoxalement, ces exclus en souffrance se réapproprient leur vie, franchissant une étape cruciale : un premier amour, un choix déterminant et un deuil. Quant au casting, des acteurs tout neufs, un jeune trio passionné, fiévreux, convaincant, forcément promis à un bel avenir. Farida Rahouadj, toute de pudeur et de retenue, fait aussi une prestation très émouvante. Avec son titre en forme de slogan, sonnant comme un appel à la résistance et au combat, ce film incite à regarder, émus, ces hommes, non pas tomber, mais se relever avec une grande dignité.
Ce film suit l'itinéraire chaotique de ces personnages jusqu'au point ultime de leur rendez-vous. Le casting est impeccable, mais on adhère peu au scénario maladroit.
(...) avec ce premier long inégal mais prometteur, Fehner s'impose comme une directrice d'acteurs très inspirée. Son désir de filmer ces corps de cinéma vibrants s'avère contagieux : on voudrait tous les voir tourner un peu plus.
Si elle n’évite pas toujours le chantage au sujet lourd et certaines redondances entre le “vouloir dire” et les effets appuyés de mise en scène, Léa Fehner montre un tempérament, une vraie ambition dramaturgique et un certain sens du casting. Des garçons comme Reda Kateb ou Vincent Rottiers confirment ici leur talent et leur capacité à imprimer un écran.
Qu’elle filme des éclats de voix ou la toilette silencieuse d’un mort, à l’épaule ou en plans larges, Léa Fehner chope des moments inouïs de vérité. "Qu’un seul tienne et les autres suivront" traite du choix, de la permutation (de rôles, de places, d’identités), mais révèle aussi une formidable direction d’acteurs : Reda Kateb crève l’écran.
Faire preuve d’une telle maîtrise dans un premier long-métrage est assez rare. Entre réalisme et tension dramatique (l’étonnante séquence finale en prison), Léa Fehner a su restituer le contexte difficile dans lequel ses antihéros tentent de garder leur dignité. Le propos n’est pas gai, mais ceux qui aiment les histoires fortes devraient suivre.
Qu'un seul tienne et les autres suivront est un film pensé. Les fils n'y sont pas invisibles. Le dénouement, qui voit les personnages des trois récits se rejoindre dans le parloir, zone symbolique, peut sembler théâtral. On ne croit qu'à moitié à l'épisode Zohra ; la dialectique de cette Mère Courage laisse perplexe, en partie à cause du déficit d'émotion qu'elle suscite.
Ce n'est pas le cas des deux autres histoires, grâce aux comédiens. Propulsé dans Je suis heureux que ma mère soit vivante, de Claude et Nathan Miller, et A l'origine, de Xavier Giannoli, Vincent Rottiers, attachant petit voyou, est très crédible. Sa partenaire, Pauline Etienne, est touchante. Avec sa gueule cassée de Gitan prêt à péter les plombs, mais à l'âme d'enfant, Reda Kateb a de la présence. Et le talent de sa jeune complice, la Russe Dinara Droukarova, n'est plus à démontrer.
Ces quatre acteurs séduisent si bien la caméra que le film dépasse son concept et réussit à incarner une intrigue tissée sur le double, la ressemblance, la permutation des situations.
Léa Fehner, cinéaste de 28 ans qui signe là son premier long métrage, manque parfois de concision, ainsi lorsque son personnage algérien (Farida Rahouadj) rencontre la soeur du meurtrier de son fils : les sanglots récurrents de Delphine Chuillot alourdissent considérablement le récit. Mais la peinture de l'amour naissant entre un jeune voyou et une adolescente de bonne famille est brillante.
Voici un film choral d'une grande beauté formelle et sans trop de défauts propres aux premiers films. Léa Fehner n'a que 28 ans mais ce qu'elle signe ici l'installe au rang des promesses de notre cinéma. Elle part du réel (les bas quartiers, la douleur d'une mère, la prison) mais le transcende pour signer une œuvre romanesque d'une grande élégance, pénalisée tout au plus par quelques minutes de trop. Péché de jeunesse, mais la vie devant elle!