Première
par Stephanie Lamome
Les dix premières minutes, Pauline s'arrache raconte le quotidien d'une ado vénère contre le monde (ses copines, son mec, son père, sa mère, son portable, etc) et donne l'impression d'une longue vidéo publiée sur YouTube par une jeune blogueuse qui s’ennuierait à crever. Bon.
On s'arrête là ? Surtout pas ! Rapidement, un point de vue adulte de cinéaste se détache derrière ces vidéos. Un montage surtout. Bingo : la réalisatrice Emilie Brisavoine appartient à cette jeune bande vigoureuse du cinéma français représenté par les Justine Triet, Sophie Letourneur et autres Virgil Vernier: Pauline est sa demi-soeur, la mère est sa maman, le père son beau-père. La bonne nouvelle de Pauline, c'est que le film ne se contente pas d'être un portrait d'une adolescente de 15 à 17 ans qui envoie des LOL sur son portable, tchatte sur Facebook via son ordinateur orné d'autocollants Hello Kitty et s'engueule puis se rabiboche avec son petit copain, ce qui en soi aurait intéressé 100 followers tout au plus. Non, ce que le film raconte, c’est comment une ado fâchée avec le monde va grandir sans même s’en rendre compte, comprendre et se rapprocher de ses parents chtarbés, couple queer inouï incroyablement assorti. Voilà pourquoi le film est drôle (la Pauline en question est irritante, égocentrique, gueularde, et pourtant irrésistible) et très touchant. Sous ses airs confidentiels et fauchés, son côté assemblage de vidéos YouTube tournées à l'arrache, Pauline s'arrache, sorte de mix entre Strip-Tease et un A Nos amours 2.0, arrache vraiment.
Clouée chez ses parents telle une princesse dans son donjon, Pauline, 15 ans, n’a qu’une idée en tête : "s’arracher" de là. Sa demi-sœur aînée enregistre ce désir d’émancipation avec du matériel lo-fi (caméra DV, VHS, téléphone portable) dans un premier film survolté aux airs de Tarnation – autre journal intime au cœur d’une famille déjantée. Le portrait de Pauline a la facture brute de l’adolescence. C’est un patchwork d’images hétéroclites, dont les archives familiales constituent les granuleux flash-back. Échappant au freak show à la Strip-tease, ce documentaire parcouru de secousses rock’n’roll ne regarde pas ses protagonistes de haut, mais bien en face, dans un dialogue tourbillonnant, violent et drôle, expiatoire et fécond