- Fluctuat
Présenté en 2006 au festival d'Annecy, Origine n'a pas fait grand bruit ni vraiment suscité l'engouement du public. Archaïque et peu original, embrassant des thèmes archi connus au fil d'un récit balisé, l'action ne relève jamais que de l'exploit technique, le film de Sugiyama finissant par n'être qu'une synthèse approximative d'Otomo et Miyazaki.
Pour tous ceux qui s'intéressent à l'animation japonaise depuis des d'années, le film de Keiichi Sugiyama (créateur de Neon Genesis Evangelion) ne peut apparaître que désuet et décevant. Sorte de compilation amnésique embrassant des thèmes déjà vus mille fois au fil d'une intrigue archi codée, Origine semble contaminé par un archaïsme qu'on croirait presque volontaire. Comme si finalement, plutôt que de réinventer le film d'animation, la dernière production du célèbre studio Gonzo (auteur entre autres de Last Exile et de Gankutsuou, une adaptation du Comte de Monte Cristo visuellement hallucinante) avait préféré puiser dans les racines du genre. Peur du changement ou désir de rester fidèle à une ligne ultra balisée par amour peu importe, le résultat est le même : soit vous connaissez déjà « Origine » par coeur, soit vous avez découvert le film d'animation japonais hier.A l'Origine de notre lassitude, cette permanence du sujet philosophico-écologique usé jusqu'à l'excès. Ici, 300 ans après notre ère, l'homme s'est organisé pour survivre dans un monde en ruines dont il a causé le désastre par accident en voulant changer l'écosystème. Le monde étant désormais dominé par les forces de la nature, l'humanité doit se soumettre aux lois de la forêt pour réapprendre à vivre en harmonie avec elle. Au centre du débat deux camps, celui des habitants de Ragna (tendance conservateurs proto fascistes), une cité où l'on travaille à la suprématie de l'homme sur la nature par le biais d'une industrialisation lourde et militaire. Et celui des habitants de la Cité Neutre (plutôt réactionnaires pacifistes), sorte de post-hippies dont la pensée mystique renvoie aux principes shintoïste (coexistence nécessaire entre l'homme et la nature). Les premiers désirent retrouver un passé à l'image de notre présent et nier la maladie, les seconds préfèrent vivre dans les vestiges d'un paysage urbain et tirer leçon du passé, même au prix d'une régression technologique et environnementale où la représentation de l'humanité est à reconstruire.D'un côté comme de l'autre, des héros adolescents (ou presque) incarnent la conscience symbolique du bien ou du mal pour mieux léguer des systèmes de valeurs morales aux générations futures. Cette récurrence du héros jeune, porteur d'un message d'espoir face au monde adulte source de la catastrophe, est traitée de façon tellement que le message politique s'autodétruit. Anéantit ou peu convaincante, l'ambition du film de conjuguer l'influence d'Otomo et de Miyazaki. Au premier, il emprunte l'ambiance post apocalyptique, les corps en mutation/fusion avec l'environnement (Akira) ; au second, une réflexion philosophico-poétique de nature panthéiste et quelques réminiscences graphiques (tendance Nausicaa et Laputa ou Le Château dans le ciel). Le film de Sugiyama ne parvient jamais à transcender ses références. Il les relie maladroitement à un récit où la problématique de la société du risque (paranoïa des manipulations génétiques, écologiques, et leurs conséquences pour l'humanité), est éludée au profit de l'action, d'un spectaculaire techniquement très moyen, et de personnages archétypaux.Avec son character design moins que médiocre, sa réalisation à peine meilleure qu'un OAV, ses images de synthèse pas toujours bien intégrées au vague projet esthétique du film et son sujet rabâché à quelques nuances près qui ne savent faire la différence, Origine impose un bilan de santé de l'animation japonaise presque inquiétant. Les grandes oeuvres se faisant rares (si ce n'est les derniers Satoshi Kon, trop peu distribués en salles) et ses auteurs de génie de moins en moins évidents malgré une production toujours aussi dense, on ne peut que constater la baisse de qualité des films. Mais si la richesse du cinéma d'animation japonais n'est plus à prouver, ne déchantons trop vite. La fulgurance des films d'Otomo , Oshii, Kawajiri, Morimoto, Watanabe, Takahata ou Miyazaki, tous encore en activité, n'est pas encore éteinte.Origine (Gin-iro no kami no Agito)
Un film d'animation de Keiichi Sugiyama
Japon, 2006 - 1h35
Avec (voix) : Ryo Katsuji, Aoi Miyazaki, Kenichi Endo
Sortie en salles en France : 28 juin 2006[Illustrations : © Eurozoom]
Sur Flu :
- chronique de Steamboy d'Otomo Katsuhiro
- entretien avec Hayao Miyazaki (2001)
- chronique du 45e festival d'Annecy (2005)
- Tags : animation, Japon, tous les films en salles sur Ecrans le blog cinéma
Origine