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La corruption est la thématique favorite du cinéma roumain, et du cinéma des ex-pays de l’Est en général. Le sarcastique Corneliu Porumboiu (auteur du génial 12 h 08 à l’est de Bucarest) en fait un élément comique puisque dans Les Siffleurs tout le monde est plus ou moins pourri, à commencer par le héros, un flic en cheville avec des mafieux. Seule solution pour communiquer avec la bande d’un mafieux qu’il doit faire sortir de prison, avec un pactole à la clé ? Echanger avec eux via… une langue sifflée ancestrale de la Gomera, une île des Canaries qu’il va apprendre sur place avant de revenir en Roumanie exécuter un plan qui aurait sans doute été parfait si son cœur ne s’était pas emballé pour la petite amie du voyou (Catrinel Marlon, sculpturale révélation). Moins austère que ses compatriotes Cristi Puiu (Sieranevada) ou Cristian Mungiu (Baccalauréat), Porumboiu signe un film noir postmoderne qui cite explicitement ses sources (Gilda, Psychose...), entamant un dialogue réjouissant avec les polars déstructurés – ici, un poil trop – de Tarantino. Quelques plans suffisent à comprendre qu’il n’a rien perdu de son sens du burlesque. Les scènes d’apprentissage de la langue sifflée posent ainsi le ton joyeux et bien secoué du film dont il a choisi d’éparpiller le scénario façon puzzle entre flash backs et flashforwards comme pour mieux accompagner cet art permanent du décalage qu’il maîtrise sur le bout des doigts.