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Reprenant le credo du monumental Shoah de Claude Lanzmann, ce premier long métrage parvient par le truchement de la fiction à interroger la mémoire. Yoel est un historien israélien qui enquête de nos jours sur un massacre de juifs durant la Seconde Guerre mondiale aux abords d’un village autrichien. Ce combat de toute une vie est toutefois soumis à un ultimatum lorsque la municipalité dudit village entend effectuer des travaux de construction, empêchant le chercheur de localiser la fosse – jusqu’ici introuvable – où les corps des victimes ont été enterrés. À partir d’une trame classique du film-enquête, le réalisateur israélien, Amichai Greenberg, parvient avec sobriété et sérieux à dresser le portrait d’un homme obnubilé par sa mission au point de se confondre avec elle. Seul contre tous, y compris face à l’Histoire qui masque ses preuves, le chercheur (Ori Pfeffer, méconnaissable et formidable) se retrouve bientôt confronté à la fragilité de sa propre identité suite à une révélation (dont nous ne vous dévoilerons rien) qui ajoute à la confusion. Mais puisque tout semble se dérober, c’est un puzzle qu’il faut reconstruire, pièce après pièce, pour mettre à jour la preuve manquante. Voir ainsi le personnage principal au fond d’un labyrinthe de tranchées qu’il a lui-même fait creuser offre l’expression saisissante et mentale d’une raison en ébullition. Ce film jamais théorique reste efficace de bout en bout. Une très belle réussite.