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Le titre, très parlant, a plus d’un sens dans son sac. Littéralement, il signifie le retour attendu au pays d’un officier parti guerroyer pour Napoléon aux quatre coins de l’Europe. Nous sommes dans une comédie et, à la réalité, les auteurs préfèrent, comme John Ford, la légende. Car le capitaine Neuville est un pleutre et, ça, Elisabeth, qui avait déjà de sérieux doutes sur la probité du bonhomme, le découvre au hasard d’une bousculade dans les rues d’une ville de province. Sale, hirsute, Neuville a déserté. Problème : Elisabeth en a fait, par l’intermédiaire de fausses lettres, un héros mort auprès de sa jeune sœur (mariée dans l’intervalle) qui lui était promise avant-guerre. Solution : ressusciter le héros pour qu’il puisse retrouver son rang et sa place dans la grande société. Malheureusement, chassez le naturel… Tous les éléments d’un vaudeville virevoltant sont mis en place par Laurent Tirard et son coscénariste Grégoire Vigneron, qui n’ont pas hésité à piocher ici et là : chez Jean-Paul Rappeneau (pour les amours contrariés et retardés des deux protagonistes principaux, façon Les Mariés de l’an II), chez Daniel Vigne (pour le thème de la mystification présent dans Le retour de Martin Guerre) ou chez Preston Sturges (pour la reconquête d’une légitimité au cœur de Héros d’occasion). “Le retour du héros” signifierait aussi, en creux, le retour d’un grand cinéma populaire qui s’assume pleinement en tant que fiction, avec ses excès narratifs et ses interprètes montés sur ressorts. À Jean Dujardin de parachever cette ambition en clonant le Jean-Paul Belmondo bondissant des années De Broca auquel le film rend un hommage appuyé. Toc toc badaboum, le tour est joué ?
Références écrasantes
Eh bien, pas vraiment. Dans les films de De Broca ou de Rappeneau, pour citer deux références un peu écrasantes, l’histoire était au service de la mise en scène et d’un désir de mouvement permanent. Les acteurs allaient de décors en décors, parlaient en sautillant ; les embrassades étaient des ballets, les disputes, des happenings. Du cinéma conceptuel, animé cependant par l’envie de plaire au plus grand nombre avec ses stars en pagaille et ses histoires gentiment amorales. Rien de tout ça dans Le retour du héros, réalisé sans beaucoup d’imagination dans un décor unique (le château de la famille d’Elisabeth) où la caméra enregistre plus les scènes qu’elle ne participe à l’action. Un exemple : alors qu’Elisabeth croit avoir établi une stratégie de retrait polie pour Neuville (avec son accord), ce dernier en adopte une autre, inattendue, devant les parents de la jeune femme qui en renverse son verre de surprise et de colère confondues. Pur effet théâtral, filmé en un plan simple dont la modestie évoque davantage un Molinaro (en petite forme) qu’un Rappeneau.Ambition relative
Le problème des films de Laurent Tirard est de se prendre pour ce qu’ils ne sont pas, à savoir des relectures de mythes français (Molière, Le petit Nicolas, Astérix) ou de succès établis (Un homme à la hauteur, remake d’un carton argentin). La déception est forcément à la hauteur de l’attente qu’ils suscitent. En les regardant pour ce qu’ils sont vraiment, des produits calibrés à l’interprétation un peu flamboyante (Jean Dujardin est excellent, Mélanie Laurent sort avec conviction de son emploi habituel) et à l’écriture vaguement efficace, on peut les apprécier. Et si l’on vient à espérer autre chose, une blague maladroite par-ci ou un paresseux effet de manche par-là viennent à point nous rappeler que le cinéma populaire français actuel, même guidé par l’ambition, reste globalement prisonnier d’une certaine facilité.