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Dodin Bouffant fait goûter une sauce à une jeune apprentie. Elle doit en deviner la composition et, à chaque élément trouvé, la sauce se recompose à l’écran. En une séquence magnifique, Tran Han Hung vient de résumer la puissance de son nouveau film. Dodin Bouffant sera une œuvre sur la culture française (la cuisine comme art total, suprême), autant qu'un portrait de personnages (qui doivent apprendre, s’aimer, (s’)apprivoiser) et qu’un fastueux précis de mise en scène.
Inspiré par un roman de Marcel Rouff, le réalisateur de L’Odeur de la papaye verte s'empare donc de la figure de ce gastronome légendaire et fictif. Il reprend surtout une anecdote du livre : après avoir été reçu par le prince d'Eurasie, Dodin va rendre l’invitation et composer un repas qui doit l'impressionner. En partant de ce mince prétexte, le cinéaste croise donc la fable épicurienne, le regard documentaire sur l’art culinaire et une love story sotto voce. Il y a d’abord cette expérience sensuelle et sensorielle de la cuisine. Liturgie de gestes, de postures, rituels d’apprentissages captés dans des plans séquences extraordinairement vaporeux. Tran Han Hung filme les recettes de Dodin comme Wong Kar Wai filmait le kung fu de Ip Man : art du temps vertigineux, infinie dilatation de l’instant qui donne autant de puissance à un geste de cuisine qu’à un regard volé entre les deux protagonistes. Et comme WKW, le vietnamien double son épopée artistique d'un mélo d'amoureux solitaires (Dodin et sa cuisinière, Magimel et Binoche extraordinaires). Sa maîtrise est celle d'un sculpteur d'image qui saisit la moindre émotion et façonne son histoire dans une matière faite de durée, d'odeurs et de goûts. Il sublime une nature morte à laquelle il redonne constamment vie.